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Les rois de Kinda 1 CHRISTIAN JULIEN ROBIN A. Les premiers rois de Kinda 1. « Rab at fils de Mu wiyat du lignage de Thawrum roi de Kiddat et de Qa n » (vers 220) 2. Les ban Badd a. « M likum b. Badd roi de Kiddat et de Madh igum » (vers 240) b. « M likum b. Mu wiyat roi de Kiddat et de Madh igum » (vers 290-295) B. Les ujrides ou ban ujr ou ban Amr b. Mu wiya 1. ujr kil al-mur r b. Amr 2. Amr al-Maq r b. ujr 3. al- rith al-Malik b. Amr 4. Les fils d‘al- rith al-Malik 5. L‘énigmatique Qays descendant d‘al- rith (en grec Kaïsos, descendant d‘Arethas) a. Kaïsos identifié avec le poète Imru al-Qays b. ujr b. alrith al-Malik b. Kaïsos identifié avec Qays b. Salama b. al- rith al-Malik c. Kaïsos, issu des ban Kabsha ? 6. Les ban Amr de l‘inscription Muraygh n 1 C. Les rameaux secondaires 1. Les l al-Jawn 2. Les ban Kabsha 3. Les ban Wal a 4. Les ban Jabala 5. Autres Kindites occupant des positions élevées a. Ab gabr ( bgbr), qui commande une colonne de l‘armée d‘Abraha b. Abd al-Mas b. D ris al-Kind , gouverneur ( qib) de Najr n c. Ukaydir b. Abd al-Malik al-Sak n . Joëlle Beaucamp, Michael Lecker et Jérémie Schiettecatte ont eu l‘obligeance de relire ce texte et de me faire part de leurs remarques. Les traductions de Malalas et de Photios (Nonnosos) sont de Joëlle Beaucamp. 1 Arabia, Greece and Byzantium: Cultural Contacts in Ancient and Medieval Times, ed. Abdulaziz Al-Helabi, Dimitrios Letsios, Moshalleh Al-Moraekhi, Abdullah Al-Abduljabbar, Riyadh 2012 / AH 1433, Part II, pp. 59-129. 60 CHRISTIAN JULIEN ROBIN D. Les rois légendaires E. Les ujrides et leurs suzerains imyarites 1. Les suzerains imyarites mentionnés par la Tradition arabo-islamique 2. Les expéditions imyarites en Arabie déserte a. Tha r n Yuhan im (c. 324-c. 375) b. Ab karib As ad (c. 375-c. 445) et son fils aśś n Yuha min c. Shuri bi l Yakkuf (c. 468-c. 480) d. Ma d karib Ya fur (c. 519-522) e. Abraha (c. 535-c. 565) 3. Le changement de titulature des rois imyarites correspond-il à l‘installation des princes kindites ? 4. L‘implicite dans les inscriptions imyarites : le cas des rois de Kinda 5. Quel était le titre officiel des princes kindites ? 6. Kinda, Qa n et imyar Les rois de Kinda 61 Grâce à leur épopée au cœur de l‘Arabie déserte et aux poètes qui ont célébré leurs exploits sur les champs de bataille, grâce aussi au destin tragique de l‘un d‘entre eux, lui-même poète, les rois préislamiques de la tribu arabe de Kinda ont conservé une place à part dans l‘imaginaire arabe. Longtemps, il a été malaisé de reconnaître dans quelle mesure les données dont nous disposions avaient un fondement historique. L‘exploration archéologique de la péninsule Arabique le permet désormais. La première tentative moderne de rédiger une histoire de Kinda remonte au milieu du XIXe siècle. En 1847-1848, le Français ARMAND PIERRE CAUSSIN DE PERCEVAL publie un ouvrage étonnamment ambitieux intitulé Essai sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, pendant l'époque de Mahomet, et jusqu'à la réduction de toutes les tribus sous la loi musulmane, dans lequel Kinda occupe naturellement une place importante. C‘était la première fois qu‘un savant essayait de reconstruire une telle histoire, de façon systématique et organisée chronologiquement. L‘ouvrage, qui a forcé l‘admiration par sa clarté, l‘élégance de son écriture et la maîtrise de son sujet, se fondait principalement sur le fameux Livre des chansons (Kit b al-Agh nī), uniquement accessible alors sous forme de manuscrit. Mais CAUSSIN ne disposait pas encore des outils méthodologiques nécessaires pour surmonter les innombrables contradictions de la Tradition arabo-islamique, notamment celles concernant la chronologie ; par ailleurs, il n‘avait pas un accès aisé à une source essentielle, la poésie préislamique et les nombreux commentaires qui l‘éclairent, alors inédits. Son œuvre est donc un magnifique inventaire des données de la Tradition arabo-islamique, toujours utile aujourd‘hui ; mais ses reconstructions chronologiques ne sont, comme l‘indique le titre de l‘ouvrage, qu‘un premier « essai ». En 1887, l‘Allemand THEODOR NÖLDEKE réalise un progrès méthodologique important dans son étude sur les princes jafnides de Syrie (appelés communément, de façon inappropriée, « ghass nides »). Pour disposer d'une chronologie solide, il fait appel aux sources externes ; par ailleurs, il hiérarchise les sources arabes en considérant que la poésie contient les données les moins altérées. 2 Dans les décennies qui suivent, la même méthode est mise en œuvre par l‘Allemand GUSTAV ROTHSTEIN pour les Na rides d'al- ra (appelés à tort « Lakhmides »).3 L‘intérêt du monde savant se focalise pour la première fois sur les seuls « rois de Kinda »4 quand le chercheur suédois GUNNAR OLINDER leur consacre successivement deux études fondatrices intitulées The Kings of Kinda of the Family of kil al-mur r (1927) et « l al- awn of the Family of kil al-Murar » (1931). Je me fonderai naturellement sur ces deux excellentes publications dès qu‘il s‘agira des sources arabes. . Die Ghassânischen Fürsten aus dem Hause Gafna'sṬ . Die Dynastie der Laẖmiden in al- îraṬ Ein Versuch zur arabisch-persischen Geschichte zur Zeit der Sasaniden, 1899. 4 . Cette appellation est empruntée à la Tradition arabo-islamique : voir par exemple Ibn ab b, al-Munammaq, pp. 368-370. 2 3 62 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Enfin, une nouvelle étape s'ouvre avec la découverte de nombreuses inscriptions préislamiques en Arabie, à partir des années 1950. Quatre rois de Kinda sont désormais attestés épigraphiquement. Par ailleurs, quelques textes imyarites datés donnent de précieux repères chronologiques et des informations souvent précises sur la situation politique. Mon propos va être de tenter d‘articuler toutes les données tirées des inscriptions avec celles dont on disposait depuis longtemps grâce aux textes narratifs, notamment ceux de la tradition arabo-islamique. A. Les premiers rois de Kinda (Tableau 1) Les inscriptions sabéennes et imyarites enregistrent les noms de trois rois dont la titulature comporte le nom de Kinda en première place.5 1. « Rabī at fils de Mu wiyat du lignage de Thawrum roi de Kiddat et de Qa ṭ n » 6 (vers 220) Les premières mentions d‘un roi de Kinda (et de la tribu Kinda elle-même) datent de 220 environ de l‘ère chrétienne. 7 Elles se trouvent dans deux inscriptions sabéennes rapportant des opérations militaires du roi Sha rum Awtar (c. 210-c. 230) contre l‘oasis de Qaryatum dh t Kahlum (Qrytm t Khlm, l‘antique Qaryat al-F w, à quelque 300 km à l‘est-nord-est de Najr n).8 On peut en déduire que Kinda avait alors son centre dans cette oasis. La première inscription (Ja 635) précise notamment que le roi faisait la guerre à deux tribus de Sahratum (le versant occidental de la chaîne yéménite) nommées Ash ar n et Ba rum, aux Abyssins de la région de Najr n et « à Rab at du lignage de Thawrum, roi de Kiddat et de Qa n, et aux citoyens de la ville de Qaryatum ».9 La seconde (DAI-Bar n 2000-1), dont l‘auteur est le roi Sha r um Awtar en personne, donne une liste un peu différente des ennemis : « Khawl n, Ash ar n, Yrf , ẖrn, un certain nombre des ydw S¹whrn, Kiddat et Qaryatum » — noter . Dans les inscriptions sabéennes et imyarites, l‘arabe Kinda s‘écrivait Kdt et se prononçait probablement Kiddat, avec assimilation du nūnṬ 6 . Les citations des inscriptions sudarabiques conservent la graphie d‘origine : Kiddat (pour Kinda), Madh igum (pour Madh ij) etc., avec notamment la mīmation et le « g » (pour l‘arabe « j »). 7 . Les spéculations sur de plus anciennes attestations de Kinda dans les sources externes (BUKHARIN 2009) reposent sur des bases très fragiles. 8 . Pour la localisation des toponymes, se reporter à la carte ROBIN-BRUNNER 1997, à compléter avec la carte, Figure 1. 9 . Ja 635 / 25-28 : « … et jusqu‘à la ville de Qaryatum dh t Kahlum — deux campagnes contre Rab at du lignage de Thawrum, roi de Kiddat et de Qa n et contre les citoyens de la ville de Qaryatum », … w- dy hgrn Qrytm t Khl|m ty b tn b- ly Rb t - l | wrm mlk Kdt w-Q n w-bly | b l hgrn Qrytm. 5 Les rois de Kinda 63 l‘absence de Qa n ; elle ajoute que le roi « a ramené Rab at fils de Mu wiyat du lignage de Thawrum roi de Kiddat et de Qa n dans la ville de an|[ … ».10 Ces textes comportent trois indications capitales pour notre propos. Rab at porte le titre de « roi de Kiddat et de Qa n ». Il appartient au lignage de Thawrum, anthroponyme qui serait, selon Ibn al-Kalb , le nom personnel de l‘éponyme de la tribu Kinda.11 Enfin, Rab at est vaincu, capturé et amené par le roi sabéen dans sa capitale.12 Le titre de « roi de Kiddat et de Qa n » est une nouveauté. Nous connaissons un roi de Qaryatum dh t Kahlum un peu plus ancien (IIe siècle de l‘ère chrétienne ?), qui se déclare « Qa nite » et dont le titre était : « roi de Qa n et de Madh ig ». Il régnait donc sur Qa n (probablement la tribu de Qaryatum dh t Kahlum) et Madh ig (tribu peut-être installée entre Qaryat al-F w et Najr n).13 Ce changement de titulature révèle incontestablement une évolution dans l‘organisation politique des tribus arabes qui gravitent aux marges de Saba . Le petit royaume dont Qaryatum dh t Kahlum est la capitale est dominé tout d‘abord par Qa n (qui contrôle également Madh ig). À la suite d‘événements dont nous ignorons tout, vers le début du IIIe siècle, Kinda s‘impose à Qaryatum dh t Kahlum et une nouvelle dynastie — sans doute kindite —prend le pouvoir : le titre du souverain est désormais « roi de Kiddat et de Qa n ». On peut supposer que, aux habitants de Qaryatum dh t Kahlum appartenant à Qa n, se sont adjoints des éléments de Kinda (dont on ignore l‘origine). Si le nom de Madh ij n‘apparaît plus dans la titulature, cela ne signifie pas que cette tribu a retrouvé son indépendance comme la suite va le démontrer. Il ne semble pas que Rab at fils de Mu wiyat puisse être identifié avec l‘un des trois personnages homonymes qu‘on relève dans les généalogies de Kinda, . DAI-Bar n 2000-1 : w-h tw Rb t bn M wyt - l wr10[m ml]k Kdt w-Q n dy hgrn (n)11[ w … 11 . Ibn al-Kalb , Nasab Ma add, p. 136 : « Ufayr b. Ad … b. Kahl n b. Saba engendra : Thawr, qui est Kinda » (fa-walada Ufayr bṬ Adī … bṬ Kahl n bṬ Saba : Thawran wa-huwa Kinda). Voir aussi Tableaux 3 et 4 ; CASKEL 1966-I, tableau 176 ; SHAHȊD 1995-1, pp. 148160. 12 . Au IIIe siècle de l‘ère chrétienne, les rois de Saba ont deux résidences : le palais Ghumd n à an et le palais Sal n à Marib. 13 . ANSARI 1979 (ou bien ANSARY 1981, p. 144) : « Mu wiyat b. Rab at du lignage de …, le Qa nite, roi de Qa n et de Madh ig », M wyt bn Rb t - (l MṬ ) [q]| nyn mlk Q n wM g. Aucune identification avec un homonyme des généalogies arabes [voir Mu wiya b. Rab a dans CASKEL 1966-I, tableaux 101, 104, 107, 126, 163, 164, 234 (Kinda), 237 (Kinda / Mu wiya al-Akram n), 240 (Kinda / al-Sak n), 260 (Madh ij / al- rith b. Ka b), 288] ne semble possible. Concernant la localisation de Madh ij vers cette époque, nous ne disposons que de maigres indices. Dans l‘inscription d‘al-Nam ra (= Louvre 205), le Na ride Imru alQays b. Amr déclare qu‘il « fit la guerre à Madh ig jusqu'à frapper 3 de sa lance aux portes de Nagr n, la ville de Shammar » (... w- rb M( ) gw kdy wg 3 b-zg-h fy rtg Ngrn mdynt Šmr). Par ailleurs, la tribu des ban l- rith b. Ka b qui domine Najr n à la veille de l'Islam est un rameau de Ula, fraction de Madh ij (voir Tableau 4). 10 64 CHRISTIAN JULIEN ROBIN deux dans la fraction Mu wiya et un dans al-Sak n.14 C‘est donc un roi dont la tradition n‘a pas retenu le nom, probablement parce que sa descendance était éteinte quand les traditionnalistes ont collecté les généalogies. 2. Les banū Badd Deux rois peuvent être réunis (de manière quelque peu hypothétique) sous l‘appellation ban Badd , comme nous allons le montrer. a. « M likum fils de Badd roi de Kiddat et de Madh igum » (vers 240) Une vingtaine d‘années plus tard (aux alentours de l‘année 240), les rois sabéens Il shara Yah ub et Ya zil Bay n (qui règnent ensemble de c. 236 à c. 255) ont un sérieux différent avec M likum roi de Kiddat et les grands de la commune 15 dans la ville de Marib (l‘une des deux capitales des rois de Saba ) ; ils s‘en emparent jusqu‘à ce que leur soit livré un certain Imru al-Qays roi de Kha a at n.16 La cause de la querelle n‘est pas clairement indiquée. Une inscription qui date approximativement de la même époque (sans qu‘on puisse établir si elle est antérieure ou postérieure) mentionne l‘envoi par les deux rois sabéens d‘un ambassadeur auprès de ce même M likum dont elle donne la titulature complète : « M likum fils de Badd 17 roi de Kiddat et de Madh igum ».18 Elle nous apprend incidemment que le titre du roi de Kinda a changé : c‘est désormais « roi de Kiddat et de Madh igum ». 14 . Voir CASKEL 1966-I : — tabl. 235 : Rab a b. Mu wiya al-Akram n b. al- rith al-A ghar b. Mu wiya b. alrith al-Akbar ; — tabl. 234 : Rab a b. Mu wiya b. uraym b. Tha laba b. Bakr b. Imru al-Qays b. alrith al-A ghar b. Mu wiya b. al- rith al-Akbar ; — tabl. 240 : Rab a b. Mu wiya b. Ja far b. Us ma b. Sa d b. b. Ashras b. Shab b b. alSak n b. Ashras b. Kinda. Dans ROBIN 2005, avant la publication de l‘inscription DAI-Bar n 2000-1 qui a donné le patronyme de Rab a, j‘avais identifié ce dernier avec Rab a b. Wahb b. al- rith al-Akbar (un « cousin germain » de M lik b. Badd ) : cette hypothèse est désormais à écarter. 15 . Le terme « commune », qui rend le sabéen s² b, désigne une tribu sédentaire. Il est remarquable qu‘il soit utilisé ici à propos de Kinda. 16 . Voir Ja 576 / 2-3, notamment à la ligne 2 : « parce qu‘Almaqah leur a accordé la faveur de se saisir de M likum roi de Kiddat et de la commune de Kiddat, concernant la réparation que M likum a faite à Almaqah et aux deux rois, à savoir Mar alqēs fils de Awfum, roi de Kha at n, en retenant ce M likum et les chefs de Kiddat dans la ville de Marib, jusqu‘à ce qu‘ils livrent ce jeune Mar alqēs », w-l- t hws² -hmw ( lmqh b- ẖ ) Mlkm mlk Kdt w-s² bn Kdt b-ẖfrt hẖfr Mlkm lmqh w-m(l)k(nhn) Mr lqs¹ bn wfm mlk H̲ tn w- ẖ -hw hwt Mlkm w- kbrt Kdt b-hgrn Mrb dy hgb w hwt lmn Mr lqs¹Ṭ 17 . Concernant la vocalisation de Badd (saba ique Bd), voir ROBIN 2001, p. 573 (pour Bdy, voir Ir 16 / 1 et 3, et pour Bd, Ja 2110 / 9). 18 . Ja 2110 / 8-9 : Mlk|m bn Bd mlk Kdt w-M gm. Les rois de Kinda 65 b. « M likum fils de Mu wiyat roi de Kiddat et de Madh igum » (vers 290295) Vers la fin du IIIe siècle, un roi qui se nomme « M likum fils de Mu wiyat roi de Kiddat et de Madh igum »19 fait l‘offrande d‘une statue de bronze dans le temple Aw m, le grand sanctuaire de Saba , consacré au dieu Almaqah Thahw n, « quand il s‘est mis en route et est venu se soumettre à la main de leur seigneur Shammar Yuhar ish, roi de Saba et de dhu-Rayd n, fils de Y sirum Yuhan im, roi de Saba et de dhu-Rayd n, dans la ville de Marib ».20 Ce document officialise le passage de Kinda sous le contrôle de imyar. On peut le déduire du fait que seuls les Sabéens sont admis dans le temple Aw m. Or, en se soumettant, M likum b. Mu wiyat devient Sabéen, puisque le roi de imyar est d‘abord « roi de Saba ».21 Shammar Yuhar ish, le souverain de imyar (c. 287-311), n‘ajoute pas les noms de Kinda et de Madh ij à sa titulature. Cependant, vers la même époque, sa titulature se modifie : Shammar Yuhar ish, qui était « roi de Saba et de dhuRayd n », prend le titre de « roi de Saba , de dhu-Rayd n, du a ramawt et du Sud (Ymnt) ». L‘ajout de « a ramawt » résulte clairement de la conquête de Shabwat, capitale du a ramawt. On peut donc se demander si l‘ajout de l‘énigmatique Ymnt ne serait pas dû à l‘annexion de vastes territoires du sud de l‘Arabie déserte — et non du sud du a ramawt comme on l‘estime d‘ordinaire. L‘autorité que les rois de Kinda exercent sur Madh ij, attestée au IIIe siècle par le titre des rois Malikum fils de Badd et Malikum fils de Mu wiyat, n‘est pas remise en cause par le souverain imyarite. On peut le déduire de la composition des troupes auxiliaires que les tribus arabes fournissent aux armées imyarites. En effet, chaque fois que l‘on a mention d‘un contingent de Kinda, on relève, immédiatement après, la mention d‘un contingent de Madh ij (ou des tribus de Sa d et Ula qui en relèvent) (voir E.4. « L‘implicite dans les inscriptions imyarites : le cas des rois de Kinda »). Deux autres indices vont dans la même direction. Un Kindite est le gouverneur ( qib) de Najr n à l‘époque de Mu ammad (ci-dessous C.5.b. « Abd al-Mas b. D ris al-Kind »). Par ailleurs, la seule inscription mentionnant un ujride se trouve dans une région qui, comme Najr n, appartenait à Madh ij (cidessous B. 1. « ujr kil al-mur r b. Amr »). . Le nom du roi, incomplet à la l. 1 ([Mlkm bn M w]yt mlk Kdt w-M gm), est restitué d‘après la l. 11. 20 . MB 2006 I-54 : b-kn mẓ 5 w-nf l-s¹tlmn b-yd mr6 -hmw S²mr Yhr s² mlk 7 S¹b w- -Rydn bn Ys¹rm 8 Yhn m mlk S¹b w- -Ryd9n b-hgrn Mrb. Je remercie vivement M. Mohamed Maraqten d‘avoir bien voulu me donner une copie de ce texte capital. 21 . Pour la période des Ier-IVe siècles, les offrandes qui sont faites par des personnes dont l‘appartenance à Saba n‘est pas évidente sont très peu nombreuses : on peut citer celles des rois de imyar Y sirum Yuhan im et Shammar Yuhar ish (Ir 14 = SHARAF 29 ; SHARAF 35), peut-être celle des ban dhu-Th t (Ja 661, du règne de Shammar Yuhar ish) et celles d‘Arabes (MB 2006 I-54 ; Ir 16 dont les auteurs appartiennent à la tribu ad n / al- ad , serviteurs du roi Shammar Yuhar ish). 19 66 CHRISTIAN JULIEN ROBIN La date à laquelle M likum fils de Mu wiyat se soumet à Shammar Yuhar ish peut être fixée de manière assez précise vers 290-295. Elle est antérieure à l‘adoption de la « titulature longue » (« roi de Saba , de dhu-Rayd n, du a ramawt et du Sud ») qui résulte de la conquête du a ramawt vers 296. Par ailleurs, elle se situe sans doute dans la seconde partie du règne du roi Shammar Yuhar ish portant encore la titulature courte (« roi de Saba et de dhu-Rayd n », c. 287-c. 296). On sait en effet que Kinda est encore indépendante au début du règne puisqu‘elle porte assistance au a ramawt déjà menacé par imyar (BR-M. Bay n 5). Selon cette dernière inscription, Shammar Yuhar ish charge le commandant de sa cavalerie « de surveiller et prendre en embuscade les secours de Kiddat quand ceux-ci portaient secours au a ramōt et il les prit en embuscade à Arak »;22 plus loin dans le même texte, l‘auteur se félicite que le dieu lui ait accordé « de surprendre ces deux expéditions de secours et de se sai|sir des personnes et de ce qu‘elles apportaient ».23 Le soutien que Kinda apporte au a ramawt montre que ces deux tribus ont déjà noué des liens étroits ; il s‘explique peut-être par le fait que certains groupes de Kinda sont déjà installés dans le a ramawt occidental (où ils sont attestés au VIe et au VIIe siècle). Les rois M likum fils de Badd et M likum fils de Mu wiyat, qui portent le même titre, sont séparés par une cinquantaine d‘années. En outre, ils ont le même nom, comme souvent un grand-père et son petit-fils (par les premiers-nés). Il est donc tentant de faire l‘hypothèse que M likum b. Mu wiyat est le fils de *Mu wiyat 24 b. M likum, lui-même fils de M likum b. Badd . Cette dynastie peut être dénommée les « ban Badd » (Tableau 1). . BR-M. Bay n 5 : l-r d w-t bn 7 zbd Kdt br n zbdw rmt w-tw b-h|mw b- rk. . BR-M. Bay n 5 : w-ẖmr-hmw mr -hmw lmqh- h9wn-b l- wm b-wrd b-hmt zbdnhn wẖ10 -hmw w-zbd-hmw. 24 . L‘étoile qui précède l‘anthroponyme Mu wiyat signifie que ce personnage n‘est pas attesté directement. 22 23 Les rois de Kinda 67 Tableau 1 Les rois de Kinda, Madh ij et Qa n mentionnés dans les inscriptions Date 25 Rois de Qa c. IIe s. 1. Mu wiyat fils de Rab at (roi de Qa n Rois de Kiddat / Kinda n et Madh ig) 1. Rab at fils de Mu wiyat c. 220 (roi de Kiddat et de Qa n) LES BANU BADDA 1. M likum c. 240 (roi de Kiddat) M likum fils de Badd (roi de Kiddat et Madh igum) c. 270 [*Mu wiyat fils de M likum] c. 290-295 2. M likum fils de Mu wiyat (roi de Kiddat et Madh igum) LES UJRIDES e e IV -VI s. 1. ugr fils de Amrum (roi de Kiddat) . D‘après les seules données de l‘épigraphie. 25 68 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Si nous examinons maintenant ce que la Tradition arabo-islamique a retenu des généalogies de Kinda, nous trouvons de fait un lignage appelé « ban Badd » dans la descendance d‘al- rith al-Akbar (b. Mu wiya b. Thawr b. Amr / Muratti b. Mu wiya b. Kinda), l‘ancêtre de toutes les dynasties kindites (Tableaux 2 et 3).26 Deux membres de ce lignage, — M lik b. Badd , — M lik b. Mu wiya (dh l- Aynayn) b. M lik b. al- rith b. Badd (postérieur de trois générations) (Tableau 2), peuvent être identifiés avec les rois de Kinda du IIIe siècle que nous venons de voir : — M lik b. Badd (Mlkm bn Bd : Ja 576 / 2 et Ja 2110 / 8-9), vers 240 ; — M lik b. Mu wiya (Mlkm bṬ M wyt : MB 2006 I-54), vers 290-295. Non seulement les noms et les patronymes sont identiques, mais encore l‘écart de quelque 55 ans correspond approximativement à trois générations. On notera cependant une petite différence avec notre hypothèse de départ (M lik b. Mu wiya fils de Mu wiya b. M lik, lui-même fils de M lik b. Badd ) : — Mu wiya n‘est pas le petit-fils, mais l‘arrière petit-fils de Badd ; — il n‘est pas le fils de M lik b. Badd , mais le petit-fils de son frère alrith b. Badd . Il faut encore observer que les descendants de ces ban Badd qui, à l‘époque islamique, étaient établis à al-Bu ra, ne semblent pas avoir retenu que certains de leurs ancêtres avaient régné. Mais ils prétendaient, si l‘on en croit Ibn alKalb , que la mère de M lik b. Badd était issue de l‘un des plus nobles lignages imyarites, les l dh Yazan.27 Enfin, si la paire nom-patronyme M lik b. Badd est fort rare (puisqu‘Ibn al-Kalb n‘en mentionne qu‘un seul exemple),28 il n‘en est pas de même de M lik b. Mu wiya, dont on a quinze attestations.29 Malgré ces réserves, les convergences remarquables entre les données de l‘épigraphie et celles de la Tradition arabo-islamique paraissent déterminantes. Elles nous conduisent à restituer au IIIe siècle — avec évidemment un part d‘hypothèse — une séquence de règnes organisée selon la généalogie suivante : . Ibn al-Kalb , Nasab Ma add, pp. 178-179 ; CASKEL 1966-I, tableau 233. . Nasab Ma add, p. 178. 28 . Précisément celui dont nous traitons, CASKEL 1966-I, tableau 233 (Kinda). 29 . CASKEL 1966-I, tableaux 87, 97, 103, 105, 163, 229, 230, 230, 233 (Kinda), 234 (Kinda), 242 (Kinda / al-Sak n), 258 (Madh ij), 268 (Madh ij / Sa d al- Ash ra), 269 (Madh ij / Sa d al- Ash ra), 280. 26 27 Les rois de Kinda 69 Tableau 2 Les rois de Kinda au IIIe siècle de l’ère chrétienne (épigraphie et traditions)30 al- rith al-Akbar _______________________________________________ Wahb Badd Mu wiya ________________________ c. 240 M lik al- rith M lik Mu wiya (dh c. 295 l- Aynayn) M lik 30 . Tableau généalogique d‘après Ibn al-Kalb (Nasab Ma add, pp. 178-179 et CASKEL 1966I, tableau 233), avec les seuls noms significatifs pour notre propos. CHRISTIAN JULIEN ROBIN 70 B. Les ujrides ou banū ujr ou banū Amr b. Mu wiya31 Les premiers rois de Kinda sont attestés grâce aux inscriptions. Leurs successeurs, les ujrides, ne sont guère connus que par la Tradition araboislamique. Outre Badd ‘, al- rith al-Akbar (b. Mu wiya b. Thawr b. Amr / Muratti b. Mu wiya b. Kinda), l‘ancêtre de toutes les dynasties kindites comme je l‘ai dit, est également le père de Mu wiya qui aurait eu lui-même trois fils. Deux d‘entre eux comptent des rois parmi leurs descendants : Amr (b. Mu wiya) qui est le père de ujr kil al-mur r (l‘ancêtre des ujrides dont il est question dans ce chapitre) et d‘al- rith al-Wall da (l‘ancêtre des ban Wal a, ci-dessous, C.3.) ; et al- rith al-A ghar (b. Mu wiya) qui est l‘ancêtre des ban Jabala (ci-dessous, C.4.) (Tableau 3). C‘est parmi les ujrides que se trouvent les rois dont le souvenir est encore vif dans la mémoire arabe. On dispose sur eux de sources particulièrement abondantes. Cette dynastie règne pendant quatre ou cinq générations, avec deux règnes marquants, ceux de ujr kil al-mur r et d'al- rith al-Malik. 1. ujr kil al-mur r b. Amr ujr b. Amr, surnommé « le mangeur d‘herbes amères » ( kil al-mur r)32 est le fondateur de la dynastie kindite qui régna sur une vaste confédération tribale de l‘Arabie déserte appelée Ma add.33 J‘ai donné à cette dynastie le nom de 31 . CASKEL 1966-I, tableau 238 ; OLINDER 1927 ; ROBIN 1996 ; ROBIN 2008 a. . OLINDER 1927, pp. 37-46. 33 . Selon MICHAEL ZWETTLER (2000), aucune source ne prouve que le nom de « Ma add has ever been used, in the course of recorded history, to designate a ―tribe‖ or ―confederation‖ as such ». Ma add serait plutôt une « collective entity : namely, the general population of predominantly camel-herding Arab bedouins and bedouin tribal groups — irrespective of lineage or place of origin — who ranged, encamped, and resided throughout most of the central and northern peninsula (including the southern Sam wa désert) and who had come to adopt the šad d-saddle and also, by the third century, to utilise it so effectively as a means of developing and exploiting within a désert environment the superior military advantages offered by horses and horse cavalry » (pp. 284-285). S‘il est vrai que les sources ne qualifient pas explicitement Ma add de « tribu » ni n‘évoquent certaines institutions qui permettraient de reconnaître une formation tribale (chef, assemblée, culte commun etc.), des expressions comme « le Pays de Ma addum » ( r M dm, Ma sal 1 = Ry 509 / 5-6) ou « les Arabes de Ma addum » ( rb M dm, Muraygh n 3 / 4) sont utilisées d‘ordinaire avec des noms de tribu. Par ailleurs, l‘histoire tribale de l‘Arabie offre plusieurs exemples d‘une évolution en trois étapes, commençant avec une simple tribu, se poursuivant avec un vaste agrégat de groupes fédérés autour de cette tribu sous le même nom, s‘achevant enfin avec des éléments dispersés (sans chef commun, sans capitale et sans territoire continu) toujours appelés de même. C‘est au Yémen qu‘on trouve les exemples les plus clairs : Saba , imyar, a ramawt, Kinda, Madh ij ou Mur d ; il en va probablement de même avec Ghass n, Niz r, Mu ar, Ma add ou Tan kh (attestées dans l‘épigraphie) ou Qu ‘a. Il est vrai que WERNER CASKEL qualifie 32 Les rois de Kinda 71 « ujrides ». Dans les sources arabes, on parle de descendants de ujr ou de Amr b. Mu wiya (ban ujr ou ban Amr b. Mu wiya). La Tradition n'indique pas comment ujr a accédé au pouvoir dans la tribu de Kinda. Mais elle précise qu'il a été fait roi des tribus de Ma add par Tubba (le roi de imyar). Ce dernier est parfois identifié plus précisément : ce serait ass n b. Tubba ou Tubba b. Karib « qui revêtit la Ka ba d‘une kiswa ».34 Une seule source, al-Ya q b , précise la durée du règne de ujr : 23 ans. Les données sur l'extension du royaume de ujr sont assez maigres. Il gouverne Ma add, mais aussi Rab a — notamment Bakr qui en est la principale tribu — en Arabie du nord-est. Avec Rab a, il lance des expéditions contre alBa rayn en Arabie orientale et contre Lakhm en Arabie du nord-est. De façon assez logique, Ibn al-Ath r conclut qu'il est le « roi des Arabes dans le Najd et au voisinage du Ir q ». Les liens que Kinda noue alors avec Rab a semblent avoir été solides : quelques traditions rapportent que Kinda et Rab a logeaient et effectuaient les rites aux mêmes emplacements pendant le pèlerinage à Makka ; certains prétendaient même que Kinda se rattachait à Rab a.35 Les traditions expliquent le surnom « le Mangeur d‘herbes amères » ( kil al-mur r) de diverses manières : il aurait mangé une herbe amère appelée mur r ou ressemblerait à un chameau dont la gueule écume après en avoir brouté. Elles insistent sur ses exploits militaires, racontant notamment comment il a poursuivi et tué un chef tribal des marches de la Syrie qui avait enlevé sa femme. Les sources prétendent que ujr résidait à Ghamr dh Kinda (à une soixantaine de kilomètres au nord-nord-est de Makka)36 ou qu‘il avait installé son camp à Ba n qil (carte 1),37 à quelque 320 km au nord-ouest de la moderne alRiy . Il serait mort de vieillesse après un règne long et heureux. C'est à Ba n qil qu'il serait enterré. Ghass n de « fiktive Gemeinschaft » (CASKEL 1966-II, pp. 35 et 273) ; mais, à mon avis, il commet une erreur de perspective, oubliant que la troisième étape qui est bien documentée, a été précédée par deux autres. 34 . OLINDER 1927, p. 39. 35 . KISTER-PLESSNER 1976, pp. 58-59. Il est vrai que de telles affirmations peuvent être dictées par les circonstances. Le même article en donne deux exemples. Le premier est l‘affirmation par la délégation de Kinda qui se rendit auprès de Mu ammad que les ban kil al-mur r (la dynastie kindite) se rattachaient aux ban Abd Man f (le clan qurayshite auquel appartenait Mu ammad). Le second exemple est que Abb s et Ab Sufy n se réclamaient d‘une ascendance kindite quand ils se rendaient au Yémen. 36 . OLINDER 1927, p. 34. al-J sir 1981 (pp. 351-352 et n. 1, p. 352) identifie Ghamr dh Kinda avec Bust n al-Ghumayr, qui domine Nakhlat al-Sh miyya, à 21 miles à l‘ouest de dh t Irq (voir aussi pp. 603-604 et n. 2, p. 603). Comme dh t Irq se trouve à 90 km au nord-nord-est de Makka, Ghamr dh Kinda serait donc à une soixantaine de kilomètres au nord-nord-est de cette dernière. Pour la géographie de cette région, voir aussi Lecker 1989, pp. 37 et suiv. 37 . Les poètes préislamiques font souvent référence à qil : voir THILO 1958, p. 29, qui donne quinze références. 72 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Le caractère historique de ujr b. Amr est confirmé par un graffite rupestre (Gajda- ujr, Figures 1 et 2) qu‘il a gravé sur un rocher, dans une zone désertique, à une centaine de kilomètres au nord-est de Najr n:38 « ujr b. Amrum roi de Kiddat » ( gr bṬ mrm mlk Kdt) Ce texte, qui n‘est pas daté, présente une graphie caractéristique des derniers siècles avant l‘Islam, de sorte que l‘identification paraît assurée, même si les généalogies de Kinda connaissent trois ujr b. Amr.39 On notera que ujr se donne le simple titre de « roi de Kiddat ». Il ne mentionne ni Madh ij ni Ma add. La référence à Kinda me paraît significative : elle implique que ujr règne toujours sur la tribu-mère (au Yémen), même s‘il a reçu d‘autres responsabilités dans les territoires conquis par les imyarites en Arabie centrale. Il en va certainement de même des deux premiers successeurs de ujr. Mais, à une date antérieure à 547, le pouvoir sur la tribu-mère passe aux ban Kabsha, descendants de Amr al-Maq r b. ujr, (ci-dessous, C.2. « Les ban Kabsha »). L‘absence de Madh ij dans le titre de ujr ne semble pas impliquer que ce dernier ne règne plus sur cette tribu (ci-dessus A.2. « Les ban Badd »). En effet, l'endroit où le graffite Gajda- ujr a été gravé se trouvait probablement en territoire madh ijite.40 On peut enfin se demander si Amr, le père de ujr, a régné. Dans la pratique sudarabique, un souverain ne mentionne le nom de son père que si ce dernier a occupé le trône. Il n‘est pas sûr, cependant, que les mêmes règles soient suivies par les princes arabes. De fait, selon la Tradition arabo-islamique, ujr aurait succédé non à Amr, mais à Wahb, qui appartenait à un autre rameau de la famille (Tableau 3, et ci-dessous D. « Les rois légendaires »). 2. Amr al-Maqṣūr b. ujr ujr aurait eu deux fils, Amr b. ujr, surnommé « le Limité » (alMaq r)41 qui hérita du trône et Mu wiya al-Jawn qui reçut la Yam ma (où ses descendants sont attestés jusqu'à la fin du royaume de Kinda : voir C.1. « Les l alJawn »). Le surnom « al-Maq r » viendrait de l'échec de Amr soit à conserver le royaume de son père soit à l‘égaler au regard de la postérité. On ne sait rien de la durée et des événements du règne. Une tradition que GUNNAR OLINDER rattache à Kalb rapporte qu‘un roi imyarite, Marthad b. Abd Yankuf, aurait envoyé une grande armée pour soutenir Amr, mais que ce fut en vain. Amr aurait été vaincu et tué par mir al-Jawn à la bataille de Qan n. . Il se trouve précisément à Naf d Musamm , à quelque 25 km au nord-ouest de Kawkab. . CASKEL 1966-I, tableaux 235 et 238 : le fondateur de la dynastie, ujr kil al-mur r b. Amr b. Mu wiya ; son petit-fils ujr b. Amr al-Maq r b. ujr ; un personnage plus obscur, ujr b. Amr b. Ab Karib (dans la descendance de Mu wiya al-Akram n). 40 . Voir n. 13 ci-dessus. 41 . OLINDER 1927, pp. 47-50. 38 39 Les rois de Kinda 73 D‘autres récits font mourir Amr b. ujr dans un combat contre un prince de Ghass n. La tradition sudarabique donne d‘autres détails. Amr b. ujr aurait reçu certaines responsabilités du souverain imyarite ass n b. Tubba . Puis il aurait été au service de Amr b. Tubba , le frère et l‘assassin de ass n. Amr b. Tubba lui aurait même donné en mariage l‘une de ses nièces, fille de ass n, apparemment pour humilier les descendants de ce dernier et non pour honorer le prince kindite. 3. al- rith al-Malik b. Amr Le successeur de Amr b. ujr est son fils al- rith b. Amr, surnommé « le Roi » (al-Malik). Il est la figure la plus marquante de la dynastie, avec un règne particulièrement long, qui aurait atteint 40 ans selon certains ou 60 ans selon d‘autres. Le surnom « al-Malik » qui confirme l‘éclat de ce souverain, se trouve notamment dans un vers de son petit fils, le fameux poète Imru al-Qays b. ujr b. al- rith : « Puisse après al- rith le Roi fils de Amr qui régna sur le Ir q aussi loin que le Um n ṬṬṬ ».42 On ne sait pas grand-chose de son accession au pouvoir. Selon la tradition sudarabique, al- rith aurait été investi du commandement d‘une grande armée pour marcher contre Ma add, al- ra et les régions adjacentes, par son oncle maternel Tubba b. ass n b. Tubba b. Malk karib b. Tubba al-Aqran. Le même Tubba en fit le roi de la tribu Bakr b. W il. La tradition bakrite donne une version un peu différente : il aurait été porté au pouvoir par la tribu elle-même qui voulait se venger des rois d‘al- ra. On trouve aussi des récits fort divergents. Selon al-D nawar , al- rith aurait été investi de la royauté sur Ma add par un usurpateur imyarite, uhb n b. dh arb (le successeur de Amr b. Tubba ). Ce uhb n se serait rendu dans la Tih ma pour mettre de l‘ordre parmi les descendants de Ma add, qui lui demandaient un roi ; il aurait choisi al- rith parce que, par sa mère (qui était issue des ban mir b. a a a), il était apparenté à Ma add. Les traditions qui s'intéressent aux relations d'al- rith avec al- ra et la Perse s s nide sont particulièrement nombreuses, surtout si on les compare avec celles relatives à Ghass n et à l'Empire romain. Elles impliquent qu'al- rith a étendu son pouvoir non seulement sur la région d'al- ra, mais aussi au-delà de l'Euphrate dans le sud de la Mésopotamie. Mais l'abondance des sources ne nous éclaire qu'à demi, à cause de multiples ambiguïtés et contradictions. OLINDER pense pouvoir distinguer deux périodes pendant lesquelles al- rith l'emporte face aux rois d'al- ra et s'installe même dans leur capitale. Un premier groupe de traditions rapporte qu‘al- rith a envahi le Ir q durant le règne du prédécesseur d‘al-Mundhir (qui règne 49 ans si l‘on en croit Ibn al-Kalb , de c. 505 à 554). Le nom de ce prédécesseur fait débat. Ce pourrait être al- . Ab ada l- 42 rithi l-maliki bni Amrin | la-hu mulku l- Ir qi ilà Um niṬ 74 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Nu m n (le père d‘al-Mundhir ou un homonyme) ou encore un roi nommé Ab Ya fur b. Alqama qui s‘intercalerait entre le règne d‘al-Nu m n et celui d‘alMundhir. D‘autres traditions prétendent que le règne d‘al-Mundhir fut interrompu par celui d‘al- rith. Elles rapportent que le roi s s nide Qub d avait demandé à alMundhir, son gouverneur à al- ra et dans les territoires voisins, d‘embrasser comme lui la doctrine de Mazdaq. Mais al-Mundhir avait refusé et avait été déposé. al- rith, en revanche, qui avait accepté, avait reçu comme gratification le trône d‘al- ra. C‘est seulement après l‘accession au trône d‘An shirw n — le fils et successeur de Qub d — qu‘al-Mundhir avait pu rétablir sa situation. al- rith avait alors été contraint de s‘enfuir et s‘était réfugié dans la tribu Kalb, en Arabie du nord-ouest, abandonnant ses biens et 48 membres de sa famille qui furent massacrés. La mort d‘al- rith est toujours associée à Kalb, mais avec de nouvelles divergences : il aurait été tué par la tribu Kalb, ou y serait décédé de mort naturelle, ou encore aurait péri au cours d‘une chasse après avoir dévoré un foie brûlant. Après tous ces récits de guerre entre al- rith et al-Mundhir, une dernière donnée de la Tradition pourrait surprendre : al- rith donna sa fille Hind en mariage à al-Mundhir, sans doute à une époque où les deux hommes entretenaient de bonnes relations. Cette Hind est la mère du successeur d'al-Mundhir (appelé Amr b. al-Mundhir, mais aussi Amr b. Hind). Elle était tenue en grande estime à al- ra, malgré la brouille qui opposa la famille de son père à celle de son mari. Elle y fonda un couvent qui portait sur sa façade une inscription arabe dont Y q t et al-Bakr ont transmis une copie commençant ainsi : « a construit cette église Hind fille d'al- rith bṬ Amr bṬ ujr la reine, fille des rois et mère du roi Amr bṬ al-Mundhir, servante du Messie ṬṬṬ».43 Le caractère historique du roi al- rith al-Malik est incontestable parce que les données de la Tradition arabo-islamique sont recoupées par une source indépendante. L'ambassadeur byzantin Nonnosos que l'empereur Justinien (527565) envoya en Arabie et en Çthiopie après la conquête de imyar par les Aks mites, probablement vers 540,44 mentionne dans son rapport que son grandpère — dont il ne donne pas le nom — avait déjà conclu une alliance au nom de l'empereur Anastase (491-518) avec un chef arabe nommé Arethas : « Justinien, à cette époque, régnait sur l’Empire romainṬ Le chef des Saracènes était Kaïsos, descendant d’Arethas, qui avait été chef lui aussi, et auprès de qui le grand-père de Nonnosos avait été envoyé en ambassade par Anastase alors empereur, et il avait négocié une paix ».45 L'identité de cet Arethas ne fait pas de doute parce que son descendant, Kaïsos, « est à la tête des Chindènes [Kinda] et des Maadènes [Ma add] ». Arethas . Banat h dhihi l-bī a Hind bint al- rith bṬ Amr b. umm al-malik Amr bṬ al-Mundhir amat al-Masī ... 44 . Voir ROBIN « à paraître ». 45 . Photios, Bibliothèque, 3 = HENRY 1959, p. 4. 43 ujr al-malika bint al-aml k wa- Les rois de Kinda 75 est donc un chef kindite qui peut être identifié avec al- rith al-Malik b. Amr b. ujr. La « paix » évoquée par Nonnosos signifie qu‘Arethas se met au service de Byzance et qu‘il reçoit des subsides en contrepartie de la fourniture de troupes (cavaliers et chameliers). Elle signale également qu‘Arethas jouit d‘une grande autonomie, puisqu‘il conclut directement un traité. Une deuxième mention de cet Arethas se trouve probablement dans la chronique de Jean Malalas, qui rapporte sa capture et son exécution : « Cette année-là, il advint qu’un conflit éclata entre le duc de Palestine, Diomède, silentiaire, et le phylarque Arethas. Arethas prit peur et se dirigea vers le limes intérieur en direction du territoire indienṬ En l’apprenant, Alamoundaros [al-Mundhir], le Saracène des Perses, attaqua le phylarque des Romains ; il le captura et le tua, car il avait 30 000 hommes ». Malalas ne précise pas qui est cet Arethas. Mais la suite du texte nous apprend que ce n'est pas le Jafnide al- rith fils de Jabala, puisque ce dernier participe à l'expédition punitive : « En apprenant cela, l'empereur Justinien écrivit aux ducs de Phénicie, d'Arabie et de Mésopotamie et aux phylarques des provinces de se porter contre lui et de le poursuivre, avec son arméeṬ Partirent aussitôt Arethas le phylarque, Gnouphas [probablement Jafna], Naaman, Denys, duc de Phénicie, Jean, duc d’Euphratésie, et le chiliarque Sébastien avec leurs troupes »Ṭ En conséquence, l‘Arethas qui est tué est très probablement le chef kindite. Malalas ne donne pas la date de sa mort, mais celle du retour de l‘expédition punitive : « Ils s’en retournèrent en territoire romain, victorieux, au mois d’avril de la 6e indiction ».46 L'expédition revient donc en avril 528. La mort d'Arethas se situe dans les mois qui précèdent, probablement fin 527 ou début 528. L'endroit où Arethas est capturé et tué n'est pas très clair. Le phylarque (c‘est-à-dire le « chef de tribu ») s'enfuyait « vers le limes intérieur, en direction du territoire indien ». L'une des interprétations de « territoire indien » peut être le territoire de imyar : en effet l'Arabie se partage alors entre les Saracènes indiens (= imyar), les Saracènes des Romains et les Saracènes des Perses. Mais il est difficile de déterminer l'extension de imyar vers 527-528 : si au début du VIe siècle, imyar s'étendait sans doute jusqu'aux oasis du ij z en Arabie du nordouest et jusqu'aux abords de l'Euphrate en Arabie du nord-est, après la conquête aks mite, les choses ont vraisemblablement changé. Il est possible aussi que « territoire indien » désigne tout simplement l'Arabie au-delà du limes. . Malalas, XVIII.16 ; trad. JEFFREYS et alii 1986, p. 252. Voir aussi la version abrégée de la chronique de Théophane le Confesseur, éd. DE BOOR, p. 179 ; trad. MANGO et alii, p. 271 (année du Monde 6021 ; année de l‘Incarnation 521). Concernant les dates de Théophane, voir n. 48. 46 76 CHRISTIAN JULIEN ROBIN De manière très hypothétique, Arethas pourrait avoir été tué vers D mat al-Jandal. Partant de Palestine — sans doute du sud de la Jordanie actuelle si on suppose qu'il s'agit de la Palestine III —, Arethas avait le choix entre deux directions : le sud-sud-est vers Tab k et Taym , ou l'est vers D mat al-Jandal. Mais c'est seulement dans cette dernière oasis, à mi-chemin entre le golfe d'alAqaba et le Bas-Euphrate — qu'il était à portée d'Alamoudaros. Si Arethas a bien été tué vers D mat al-Jandal, qui dépendait de Kalb,47 il y aurait ici un certain accord avec la Tradition arabo-islamique qui associe Kalb à la mort d'al- rith. Nonnosos et Malalas donnent d'Arethas un portrait bien différent de celui de la Tradition arabo-islamique : — c'est un allié majeur des Romains, ce qui lui vaut d'être appelé le « phylarque des Romains » et d'être vengé par une expédition punitive ; — la querelle qui l'oppose au duc de Palestine suggère qu'il est chez lui dans cette province byzantine. Il n'est nullement question de ses états de service dans l'empire s s nide. La chronologie fait également difficulté. Nous avons vu que, selon certaines traditions, c‘est An shirw n — le fils et successeur de Qub d — qui chasse al- rith du trône d‘al- ra et le remplace par al-Mundhir. Or Khosraw An shirw n ne serait associé au trône par son père que vers 528 ; quant à son règne, il commence en 531. Nombre de chercheurs du passé qui se sont intéressés à la chronologie des rois de Kinda ont également identifié al- rith al-Malik avec un chef arabe nommé Arethas qui conclurait une paix avec Byzance vers 502. À notre avis, cette identification doit être abandonnée, de même que le repère chronologique qui en découle. La source est Théophane le Confesseur selon lequel, en 496-497,48 un général romain défait et repousse de Palestine un chef arabe nommé Gabala. En 497, un autre chef arabe, Ôgaros, fils d'un certain Arethas, nommé « enfant de la Thalabanê », est capturé avec de nombreux autres guerriers. Quatre années plus tard, soit sans doute en 501, Badicharimos, « après la mort d'Ôgaros, son frère », lance des expéditions contre la Phénicie, la Syrie et la Palestine. Théophane laisse ainsi entendre qu'Ôgaros est mort peu après sa capture, probablement en détention. Enfin, l'année suivante, c'est-à-dire probablement en 502, « Anastase conclut un traité avec Arethas, le père de Badicharimos et d‘Ôgaros, appelé (fils) de la Thalabanê, et dès lors toute la Palestine, l'Arabie et la Phénicie jouirent de la tranquillité et de la paix ». 47 . Voir L. VECCIA VAGLIERI, « D mat al-Jandal », dans Encyclopédie de l’Islam, deuxième édition. 48 . Théophane date l‘événement de 5989 dans l‘ère du Monde (et implicitement de 490 dans l‘ère de l‘Incarnation puisque 5989 correspond à la 6 e année du règne d‘Anastase qui commence en 484 de l‘Incarnation). L‘équivalent dans notre comput serait 496-497 parce que les deux ères utilisées par Théophane sont décalées d‘un peu plus de 7 ans (traduction MANGO et alii, pp. lxiv-lxv ; voir aussi OLINDER 1927, pp. 53-54). Les rois de Kinda 77 Les inscriptions imyarites indiquent que, vers la même époque, Mu ar est sous la tutelle de imyar (et de Byzance) et que ses chefs s‘appellent les ban Tha labat : la vraisemblance est donc grande que cet Arethas « enfant de la Thalabanê» soit un Thaʻlabatide, non issu de Kinda, mais d‘une tribu d‘Arabie occidentale, probablement Ghass n.49 4. Les fils d’al- rith al-Malik Selon la Tradition arabo-islamique, après la mort d‘alfils se partagent le royaume. La répartition serait la suivante : rith, ses quatre — ujr b. al- rith : Asad et Kin na, — Ma d karib b. al- rith : Qays Ayl n, — Shura b l b. al- rith : Bakr b. W il et une partie de Tam m, — Salama b. al- rith : Taghlib b. W il et al-Namir, avec d‘importantes divergences entre les traditions, résultant en partie de multiples révoltes et renversements d‘alliance. Le conflit le plus aigu oppose Shura b l et Salama, qui règlent leurs comptes lors de la première bataille de Kul b (le fameux yawm Kul b I de la Tradition) ; Shura b l y perd la vie.50 Dès lors, le pouvoir kindite en Arabie centrale se délite inexorablement. À la génération suivante, Imru al-Qays b. ujr, le célèbre poète préislamique déjà évoqué, un petit-fils d‘al- rith, n'est plus qu'un proscrit errant d'une tribu à une autre. 51 Les descendants de ujr kil al-mur r se réfugient au a ramawt après une ultime bataille perdue, le yawm Jabala. 5. L’énigmatique Qays descendant d’al- rith (en grec Kaïsos, descendant d’Arethas) Les sources byzantines font un récit différent. Après la mort du Kindite Arethas (al- rith al-Malik b. Amr b. ujr) vers la fin de 527 ou au début de 528 (voir ci-dessus), l'un de ses descendants, nommé Kaïsos [Qays], est le candidat de Byzance pour la succession. Nous disposons de deux sources différentes sur ce personnage. L‘historien Procope nous éclaire sur le contexte politique et militaire en Arabie au moment où Justinien envoie une ambassade en Çthiopie et en Arabie du Sud, au printemps 531.52 L'empereur enjoint à l‘ambassadeur Ioulianos d‘obtenir d‘Aks m et de imyar qu‘ils s'engagent aux côtés de Byzance dans la guerre contre la Perse. Cet ambassadeur a aussi pour instruction de demander au souverain imyarite d'« établir (Kaïsos) comme phylarque sur les Maddènes ». Cette démarche nous informe que, pour Byzance, imyar est toujours l‘autorité légitime en Arabie centrale. 49 . ROBIN 2008, pp. 176-178. . LYALL 1906. 51 . OLINDER 1927, pp. 70 et suivantes. 52 . Procope, Guerres, I.20.9 et suiv. ; BEAUCAMP 2010. 50 78 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Ce Kaïsos qui est issu d'« une famille de phylarques » est « extrêmement doué pour la guerre ». C‘est sans doute pour cela que les Romains le choisissent. Mais il présente un inconvénient sérieux : il est un « fugitif » (Kaison ton phygada), en mauvais termes avec le roi imyarite dont il a « tué un des parents » de sorte qu‘il vit « en exil sur une terre complètement vide d'hommes ». La seconde source est le rapport d‘un autre ambassadeur, Nonnosos, qui nous est connu grâce au résumé qu'en a rédigé le patriarche Photios.53 La Mission de Nonnosos est postérieure à celle de Ioulianos : Kaïsos, « chef des Saracènes » est alors « à la tête de deux tribus des plus en vue parmi les Saracènes, les Chindènes et les Maadènes », c'est-à-dire Kinda et Ma add. Nonnosos nous indique le lien de parenté qui relie Kaïsos à Arethas, « chef lui aussi » : il en est le « descendant » (apogonos). Un « traité de paix » lie Kaïsos à l'Empire. Il a été négocié par « le père de Nonnosos, avant la désignation de ce dernier comme ambassadeur .... sur l'ordre de Justinien ». Une clause de ce traité a été l'envoi du « propre fils de Kaïsos qui s'appelait Mauïas ... auprès de Justinien à Byzance ».54 Quant à Nonnosos, il a pour mandat de « ramener si possible Kaïsos auprès de l'empereur et (de) parvenir jusqu'au roi des Axoumites (Elesbaas était alors le maître de cette peuplade) et, en outre, (de) pousser jusque chez les Amérites ». Kaïsos ne se rend pas immédiatement aux raisons de Justinien. Il faut « une seconde ambassade », dirigée cette fois par Abramês, le père de Nonnosos pour que Kaïsos accepte de se rendre à Byzance, après avoir partagé « sa propre phylarchie entre ses frères Ambros et Iezidos ». Il reçoit alors de l'empereur « le commandement sur les Palestines ; il amenait avec lui beaucoup de ses sujets ».55 Nous apprenons ainsi que Kaïsos, « descendant » (et non fils) d'Arethas, a des frères qui se nomment Ambros ( Amr) et Iezidos (Yaz d) et un fils qui s'appelle Mauïas (Mu wiya). Le gouvernement de ce Kaïsos / Qays, qui se situe au début du règne de Justinien, dure suffisamment de temps pour que trois ambassades lui soient envoyées. Il s‘achève par une émigration en Palestine, à une date inconnue, qui pourrait se situer vers 540, au moment où la guerre entre Byzance et la Perse se rallume. L'identification de Kaïsos / Qays n'est pas facile. De longue date,56 on l'a assimilé avec le Qays mentionné dans l‘une des célèbres « odes suspendues » (mu allaq t), celle d‘al- rith b. illiza, poète issu de la tribu Bakr b. W il, qui avait été choisi comme porte-parole dans un conflit porté devant le souverain na ride Amr b. Hind (554-569). La partie adverse, la tribu Taghlib b. W il, avait pour héraut le poète Amr b. Kulth m (le futur assassin du roi Amr). Dans son poème, al- rith fait valoir les mérites de Bakr, notamment au service des Na rides. Il rappelle ainsi le rôle joué par sa tribu dans la défaite d‘un . Photios, Bibliothèque, 3 = HENRY 1959, pp. 4-5. . ROBIN « à paraître ». 55 . Ce texte de Photios est cité in extenso ci-dessous, C. 2. « Les ban Kabsha ». 56 . Voir déjà CAUSSIN 1847-II, p. 92, n. 1. 53 54 Les rois de Kinda 79 certain Qays qui, à la tête de Ma add, attaqua les Na rides et fut écrasé à Thahl n, en Arabie centrale, à quelque 300 km à l‘ouest de la moderne al-Riy : « Ô toi qui nous calomnies auprès de Amr, mettras-tu un terme à tes fausses imputations ? Nous avons à sa bienveillance trois titres que personne ne saurait nous contester. L'un, nous l'avons acquis à l'orient de Shaqīqa,57 lorsque parurent avec leurs drapeaux de nombreuses tribus issues de Ma add, se pressant autour de Qays, fortes de la présence de ce héros du Yémen, à l'aspect imposant »Ṭ al- rith ne précise pas que Qays est un prince kindite. Mais deux indices le laissent supposer : le fait que Qays soit à la tête de Ma add et l'étrange qualificatif de kabsh qaraẓī, mot-à-mot « bélier tannifère », qui renverrait au Yémen — d‘où le « héros du Yémen » dans la traduction de CAUSSIN DE PERCEVAL.58 Le problème est maintenant de savoir si on peut identifier Kaïsos / Qays avec un personnage connu. Deux petits-fils d‘al- rith al-Malik ont été proposés. a. Kaïsos identifié avec le poète Imru al-Qays b. ujr b. al- rith alMalik Pour CAUSSIN DE PERCEVAL et nombre d‘autres chercheurs,59 le Kaïsos de Procope et Nonnosos (identifié avec le Qays d'al- rith b. illiza) ne peut être que le fameux poète Imru al-Qays b. ujr b. al- rith al-Malik. Deux arguments plaident en ce sens : ils sont l'un et l'autre des petits-fils d'al- rith al-Malik et font le voyage de Constantinople.60 Mais le nom ne correspond pas exactement : GUNNAR OLINDER fait justement remarquer que l‘anthroponyme Imru al-Qays est attesté en grec sous la forme Amorkesos.61 bṬ Kaïsos identifié avec Qays b. Salama b. al- rith al-Malik Une solution qui paraît meilleure a été proposée par GUNNAR OLINDER :62 Kaïsos serait le prince nommé Qays b. Salama b. al- rith al-Malik qui guerroya contre le na ride al-Mundhir si l'on en croit Y q t (entrée « Dayr Ban Mar n »).63 Il est possible aujourd'hui d'apporter quelques compléments à cette hypothèse, grâce à la publication de nouvelles sources. Les généalogies d'Ibn al- 57 . Ce toponyme est inexpliqué. Il rappelle le nom de la mère ou de l‘aïeule du roi na ride alMundhir (voir ROBIN 2008, p. 185). 58 . ROBIN 2008, pp. 176 et n. 58. L'arabe qaraẓ signifie « feuilles du bois salam employées dans la préparation des cuirs » (KAZIMIRSKI, qui ajoute : « Bil d al-Qaraẓ, surnom du Yémen, de l'Arabie Heureuse). 59 . Voir en dernier lieu MUMAYIZ 2005. 60 . CAUSSIN 1847-II, pp. 302-303, 311-312. 61 . OLINDER 1927, p. 115 ; LETSIOS 1989. 62 . OLINDER 1927, pp. 114-117. 63 . OLINDER 1927, p. 117. 80 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Kalb confirment que Salama b. al- rith al-Malik a un fils nommé Qays.64 Quant à Ibn ab b, il nous apprend incidemment que ce Qays a un frère appelé Yaz d — tout comme Kaïsos en a un nommé Iezidos — dans une énumération des « grands guerriers du Yémen » (al-jarr rūn min al-Yaman) : « ujr b. Yaz d b. Salama le Kindite et Qays b. Salama le Kindite ».65 Salama aurait donc eu au moins trois fils : Qays (Ibn al-Kalb dans CASKEL 1966-I, tabl. 238 ; Ibn ab b), M lik (Ibn al-Kalb dans CASKEL 1966-I, tabl. 238) et Yaz d (Ibn ab b). cṬ Kaïsos, issu des banū Kabsha ? Une troisième identification de Kaïsos paraît possible : un membre des ban Kabsha. Elle part du constat que le Kindite qui se révolte contre Abraha au a ramawt en 547 s'appelle Yaz d b. Kabshat (Yzd bn Kbs²t). Or ce Yaz d peut être identifié avec un frère de Kaïsos : Nonnosos nous apprend en effet que, avant son départ pour Byzance, Kaïsos divise son pouvoir entre ses frères Ambros [ Amr] et Iezidos [Yaz d]. À l'appui de cette hypothèse, on peut rappeler qu'al- rith b. illiza qualifie curieusement son Qays de kabsh qaraẓī. Ce terme de kabsh pourrait être une allusion à l‘appartenance aux ban Kabsha. Cette hypothèse se heurte cependant à deux difficultés. Tout d'abord, les ban Kabsha ne sont pas les descendants d'al- rith al-Malik, mais ceux de son frère Imru al-Qays. Pour la retenir, il faudrait supposer que Nonnosos a employé « descendant » [apogonos] dans un sens vague. Par ailleurs, Ibn al-Kalb ne mentionne aucun Qays parmi les ban Kabsha (ci-dessous C.2. « Les ban Kabsha »). Dans l'état actuel de la documentation, il est difficile de trancher même si l‘identification de Kaïsos avec Qays b. Salama b. al- rith al-Malik conserve un léger avantage. 6. Les banū Amrum de l’inscription Muraygh n 1 L‘inscription Muraygh n 1 = Ry 506, qui porte la date de septembre 552 ( - ln 662 im.) commémore une victoire d‘Abraha, « quand il a lancé contre Ma addum une quatrième expédition, au mois de dh -th bat n (= avril), alors que s‘étaient révoltés tous les ban Amrum ».66 Les opérations militaires sont décrites de façon assez précise : . CASKEL 1966-I, tabl. 238. Noter qu'al- rith al-Malik a également un fils nommé Qays, mais ce Qays n'est pas un bon candidat à l'identification avec Kaïsos : on imagine mal Nonnosos — qui a rencontré personnellement Kaïsos — qualifier ce dernier de « descendant » d'Arethas s'il avait été son fils. 65 . Ibn ab b, al-Mu abbar, p. 252. OLINDER savait pourtant qu‘un cousin du poète Imru alQays b. ujr b. al- rith al-M lik s‘appelait Yaz d, et que ce Yaz d était peut-être un fils de Salama (1927, pp. 108 — où ce Yaz d est appelé « Yaz d b. al- rith » — et 117). 66 . k- (z)yw 3 M dm zwtn rb tn b-wrẖn - btn k-qs¹dw kl bny- mrm. 64 Les rois de Kinda 81 « … le roi a envoyé Abīgabr avec Kiddat et Ula, et Bishrum fils de i num avec 5 Sa dum et Mu[r dum] ; (ceux-ci) ont combattu à la tête de l’armée contre les banū Amrum, Kiddat et Ula dans le w dī Mur kh, et Mur d um et Sa dum dans le w dī 6 à l’aiguade de Tur b n, et ils ont massacré, fait des prisonniers et pillé abondamment … ».67 JACQUES RYCKMANS avait proposé d‘identifié les bny- mrm avec une grande tribu d‘Arabie occidentale : les ban mir b. a a a.68 Cette hypothèse, qui avait été acceptée unanimement depuis lors, notamment par A. F. L. BEESTON, M. J. KISTER, ABD AL-MUN IM SAYYID ou MICHAEL ZWETTLER, avait conduit à supposer que l‘armée d‘Abraha affrontait deux coalitions tribales et donc qu‘elle se divisait en deux formations : les auxiliaires arabes (constituant eux-mêmes deux colonnes) contre les ban mir en Arabie occidentale et l‘armée royale contre Ma add en Arabie centrale. Un argument convaincant semblait être qu‘une bataille décisive se situait à mnhl Trbn, identifié avec le w d et la ville de « Turaba » à 130 km à l‘est d‘al- if. Or, selon al-Bakr , Turaba relevait des ban mir b. a a a.69 J‘ai démontré ailleurs70 que cette interprétation de Muraygh n 1 ne s‘accordait pas avec les données du texte qui commémore explicitement une expédition contre Ma addum à la suite de la révolte de « tous » les bny- mrm. Il n‘est nullement question de deux coalitions tribales, mais d‘une seule (Ma add um) dont les chefs (les bny- mrm) se révoltent. Il n‘y a pas deux théâtres d‘opérations, mais un seul, comme l‘implique une seule mention de butin et de prisonniers. Les deux colonnes formées par les auxiliaires arabes attaquent les bny- mrm qui subissent de lourdes pertes de sorte que Ma addum se soumet et remet des otages. Cette hypothèse s‘accorde avec une pratique rédactionnelle constante dans les inscriptions du Yémen antique : une appellation commençant par bnw / bny désigne toujours un lignage (qui se définit par la référence à un ancêtre réel ou fictif), mais jamais une tribu, dont le nom n‘est jamais un anthroponyme. Il reste à identifier qui sont ces bny- mrm. Ce sont évidemment les descendants de Amr b. Mu wiya, le père de ujr kil al-mur r. Plusieurs traditionnistes arabes appellent effectivement ban Amr (ou ban Amr b. Mu wiya) la famille royale de Kinda. Il en va ainsi d‘Ibn al-Kalb qui intitule le paragraphe dans lequel il traite des rois de Kinda « Voici les ban Amr b. Mu wiya » ;71 on peut encore mentionner al-Bal dhur et al- asan al-Hamd n .72 67 . … w- ky mlkn bgbr b- m Kdt w- l w-Bs²rm bn- nm b- m 5 S¹ dm w-M(r)[dm ]w-(h )rw qdmy gys²n ly bny- mrm Kdt w- l b-wd(.. )Mr(ẖ) w-Mrdm w-S¹ dm b-wd(.) 6 b-mnhl Trbn whrgw w- s³rw w- nmw - s¹m … 68 . RYCKMANS J. 1953, p. 341. 69 . al-Bakr , Mu jam, Entrée « Turaba » : « c‘est un lieu dans le pays des ban mir » (wahuwa maw iʻ fī bil d banī ʻ mir). 70 . ROBIN « à paraître ». 71 . Nasab, p. 168 : wa-h ᾽ul ᾽i banū ʻAmr bṬ Muʻ wiyaṬ 72 . al-Bal dhur , Futū , p. 109 : « Se réunirent contre lui [Ziy d b. Lab d] les ban Amr b. Mu wiya b. al- rith al-Kind » (wa-jumi a la-hu banū Amr bṬ Mu wiya b. al- rith al- 82 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Mais peut-on mettre des noms précis derrière l‘expression « tous les ban Amrum » ? Le « tout » implique que plusieurs rameaux du lignage se sont révoltés. Cela peut être les deux frères auxquels Kaïsos (Qays) a confié son domaine (sources byzantines) quand il est parti vers les Palestines. On peut penser également aux fils et aux petits-fils d‘al- rith al-Malik (Tradition arabo-islamique). On ne saurait exclure enfin les l al-Jawn de la Yam ma ni même les ban Kabsha (du a ramawt ?) (voir ci-dessous C.1 et C.2). Les indices dont nous disposons ne permettent pas de trancher. On peut supposer que les frères de Kaïsos et au moins un descendant d‘al- rith al-Malik (le poète Imru al-Qays b. ujr b. al- rith) sont engagés de façon plus ou moins déterminée dans l‘alliance byzantine, tout comme Abraha. En sens inverse, il ne faut pas oublier que les descendants d‘al- rith al-Malik sont apparentés à Amr, le fils du na ride al-Mundhir et le petit-fils d‘al- rith par sa mère Hind. Or Amr b. Hind (ou b. al-Mundhir), qui succède en 554 à son père, a apparemment joué un rôle important dans les affaires de l‘Arabie déserte avant son accession au trône. On rapportait par exemple qu‘il avait patronné un traité de paix entre Bakr et Taghlib au marché de dh l-Maj z, à 35 km à l'est de Makka.73 Par ailleurs, Abraha, dans les deux inscriptions qu‘il grave à Muraygh n, se félicite d‘avoir expulsé ‗Amr b. al-Mundhir de l‘Arabie centrale.74 Il est vraisemblable que la parenté qui liait Amr aux ujrides ont conduit certains de ces derniers à s‘allier aux Na rides et, par leur intermιdiaire, aux S s nides.75 Mais, si certains princes sont plutôt alignés sur Byzance et d‘autres sur la Perse, rien n‘interdit de supposer que des lignes de fracture existent également à l‘intérieur de chaque coalition. C. Les rameaux secondaires Plusieurs rameaux secondaires des rôle dans les affaires de l‘Arabie déserte. ujrides jouent également un certain Kindī) (traduction HITTI, p. 153) ; al-Hamd n , al-Iklīl VIII, p. 90 : « Tar m est l‘endroit des rois issus des ban Amr b. Mu wiya » (wa-Tarīm, maw i al-mulūk min banī Amr bṬ Mu wiya) (idem dans al-Bakr , Mu jam, « Tar m », p. 311) ; al-Hamd n , Sifa, 88 / 2589 / 1-2 : « ce sont les ban Mu wiya b. Kinda dont sont issus les rois portant le diadème (mutawwajūn), soixante-dix dit-on, les premiers, Thawr et Murti , les deux fils de Amr b. Mu wiya, et le dernier, al-Ash ath b. Qays al-Kind b. Ma d Karib ». Dans ce dernier texte, la formulation d‘al-Hamd n est inexacte : si Thawr et Murti (ou Muratti ) sont effectivement les premiers rois de Kinda, ils ne sont pas « les deux fils de Amr b. Mu wiya », mais deux ancêtres (voir CASKEL 1966-I, tableau 233). Voir aussi al-Hamd n , ifa, 88 / 24. 73 . LECKER 2005-XI, p. 39. 74 . Muraygh n 1 = Ry 506 (réinterprétée dans ROBIN « à paraître ») et Muraygh n 3. 75 . Voir l‘histoire du ujride Ab l-Jabr b. Amr b. Yaz d b. Shura b l b. al- rith al-Malik qui sollicite l‘aide de Kisrà (le suzerain des Na rides) pour lutter contre d‘autres ujrides (cidessous, C.5. « Autres Kindites occupant des positions élevées »). Les rois de Kinda 83 1. Les l al-Jawn76 Le domaine de ujr kil al-mur r aurait été partagé entre ses deux fils, Amr al-Maq r, qui aurait joui de la primauté, et Mu wiya al-Jawn auquel aurait échu la Yam ma. Les l al-Jawn règnent sur la Yam ma jusqu‘à leur expulsion d‘Arabie centrale, après la bataille de Jabala (yawm Jabala), et se replient au a ramawt. 2. Les banū Kabsha77 Amr al-Maq r (fils de ujr kil al-mur r) aurait eu deux fils, al- rith al-Malik et Imru al-Qays. Les descendants de ce dernier sont appelés ban Kabsha, d‘après le nom de leur mère. L‘un d‘entre eux, appelé Ibn Kabsha, est mentionné dans plusieurs fragments poétiques se rapportant à la bataille de dh Najab (yawm dhū Najab), qui serait postérieure d‘une année à la bataille de Jabala (qui mit fin au règne des l alJawn en Arabie centrale). Cet Ibn Kabsha, dont le nom complet serait ass n b. Kabsha, ou ass n b. Mu wiya b. ujr, serait « l‘un des rois du Yémen » ou un « roi de Kinda ».78 C‘est à ce même lignage qu‘appartient Yaz d b. Kabsha (Yzd bn Kbs²t), gouverneur (ẖlft) qu‘Abraha aurait nommé à la tête de Kinda et qui se révolte en 547 (CIH 541 / 10-11, daté de mars 548). Il semblerait donc, même si la Tradition n‘en fait pas mention de façon explicite, que, vers le milieu du VIe siècle, le pouvoir sur la Kinda du Yémen soit exercé par les ban Kabsha. L‘accession de ceux-ci au pouvoir peut être mise en relation avec une information transmise par l‘ambassadeur byzantin Nonnosos : « Kaïsos [Qays], après une seconde ambassade d'Abramês auprès de lui, vint à Byzance ; il partagea sa propre province (phylarchie) entre ses frères Ambros [ Amr] et Iezidos [Yazīd] et il reçut lui-même de l'empereur le commandement sur les Palestines ; il amenait avec lui beaucoup de ses sujets ».79 Une identification de « Iezidos » avec Yaz d b. Kabsha n‘est nullement exclue malgré les difficultés que cette hypothèse soulève (ci-dessus, B.5. « L‘énigmatique Qays descendant d‘al- rith »). 3. Les banū Walī a 80 À la veille de l‘Islam, les membres de cette dynastie semblent jouir de la primauté sur Kinda. Ils descendent d‘al- rith al-Wall da (b. Amr b. Mu wiya), le frère de ujr kil al-mur r (Tableau 3). 76 . OLINDER 1931. . CASKEL 1966-I, tableau 238. 78 . OLINDER 1931, pp. 225-228. Se fondant sur la généalogie d‘Ibn Kabsha, OLINDER confond les lignages de Kabsha et d‘al-Jawn (comme le fait ensuite KISTER, à propos d‘Ab l-Jabr). 79 . Photios, Bibliothèque, par. 3. 80 . CASKEL 1966-I, tableaux 238 et 239 ; Lecker 1994, pp. 336-337. 77 84 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Les sources mentionnent quatre frères (Mikhwas, Mishra , Ab u a et Jamd) qui se seraient rendus auprès de Mu ammad à Médine, auraient apostasié et auraient été tués. « Les banū Amr bṬ Mu wiya b. al- rith al-Kindī se rassemblèrent pour le [Ziy d bṬ Labīd] combattreṬ Ce dernier, à la tête des musulmans, les attaqua durant la nuit et en tua beaucoup, parmi lesquels se trouvaient Mikhwas, Mishra , Jamd et Ab u a fils de Ma dī Karib bṬ Walī a bṬ Shura bīl bṬ Mu wiya bṬ ujr al-Qarid (qarid dans leur dialecte signifie une « personne généreuse ») b. al- rith al-Wall da bṬ Amr bṬ Mu wiya b. al- rithṬ Ces quatre frères étaient en possession de si nombreuses vallées qu’ils étaient appelés Ḏles quatre roisḏṬ Avant cela, ils s’étaient présentés eux-mêmes devant le Prophète, mais avaient apostasié par la suite ».81 4. Les banū Jabala82 Ils sont issus de Mu wiya al-Akram n (b. al- rith al-A ghar b. Mu wiya b. al- rith al-Akbar ; voir Tableau 3). Trois se succèdent au pouvoir : Ma d karib, son fils Qays et son petit-fils al-Ash ath,83 ce dernier contemporain de Mu ammad. al-Ash ath et ses descendants jouent un rôle politique important dans l‘Empire islamique. Son petit-fils, Ibn al-Ash ath,84 prend en 699-702 la tête d‘une révolte contre al- ajj j qui ébranle le trône de l‘umayyade Abd al-Malik. 5. Autres Kindites occupant des positions élevées a. Abīgabr ( bgbr), qui commande une colonne de l’armée d’Abraha85 L‘armée d‘Abraha chargée de réprimer la révolte des ban Amr en 552 comporte deux colonnes. Le commandant de la première, Ab gabr (ci-dessus B.6. « Les ban Amr de l‘inscription Muraygh n 1), est à la tête des contingents de Kinda et de Ula. Le texte n‘indique pas explicitement qu‘Ab gabr est kindite, mais . al-Bal dhur , Futū (éd. Ri w n, p. 109 ; trad. itti, pp. 153-154) : wa-jama a la-hu banū Amr bṬ Mu wiya b. al- rith al-Kindī fa-bayyata-hum fī-man ma a-hu min al-muslimīn faqatala min-hum basharan fī-him Mikhwas wa-Mishra wa-Jamd wa-Ab u a banū Ma dī Karib bṬ Walī a bṬ Shura bīl bṬ Mu wiya bṬ ujr al-Qarid « wa- l-qarid » al-jaw d fī kal mi-him b. al- rith bṬ [sic.] al-Wall da bṬ Amr bṬ Mu wiya b. al- rith wa-k nat lah ul i l-ikhwa awdiya yamlikūna-h fa-summū l-mulūk al-arba aṬ wa-k nū wafadū alà l-nabī thumma rtaddūṬ 82 . CASKEL 1966-I, tableaux 234, 235 et 236 ; LECKER 1995, pp. 639-642. 83 . Voir aussi H. RECKENDORF, « al-Ash ath », dans Encyclopédie de l’Islam, deuxième édition. 84 . Voir L. VECCIA VAGLIERI, « Ibn al-Ash ath », dans Encyclopédie de l’Islam, deuxième édition. 85 . KISTER 1965, pp. 434-436 ; voir aussi CASKEL 1966-II, p. 251 ; GAJDA 2009, p. 141. 81 Les rois de Kinda 85 c‘est une possibilité. La Tradition arabo-islamique connaît en effet deux Kindites nommés Ab Jabr ou Ab l-Jabr : — Ab l-Jabr b. Amr b. Yaz d b. Shura b l b. al- rith al-Malik b. Amr al-Maq r b. ujr kil al-mur r b. Amr b. Mu wiya (CASKEL 1966-I, tableau 238 ; ci-dessous, Tableau 3). C‘est avec lui que M. J. KISTER propose d‘identifier le bgbr d‘Abraha. Ab l-Jabr appartenait à la famille royale kindite. En conflit avec certains membres de cette dernière, il aurait sollicité l‘aide de Kisrà, le souverain s s nide,86 qui lui aurait accordé une petite force prélevée sur ses troupes montées (al-As wira). À peine arrivés dans le désert, ces hommes, pour rentrer chez lux au plus vite, auraient mis du poison dans sa nourriture. Ab l-Jabr, affaibli par la souffrance, les aurait laissé partir et leur aurait même donné une lettre de congé. Il aurait finalement survécu au poison, serait allé se faire soigner à al- if, mais serait mort peu après. al-Hamd n mentionne incidemment ce personnage à propos d‘une bourgade du a ramawt : « Yatrab, ville au a ramawt dans laquelle Kinda s‘installa ; Ab l-Jabr [dans le texte Ab l-Khayr] b. Amr y résida ».87 — Ab l-Jabr b. Wahb b. Rab a b. Mu wiya (al-Akram n) b. al- rith al-A ghar b. Mu wiya (CASKEL 1966-I, tableau 237 ; ci-dessous, Tableau 3). Il reste à examiner si l‘un de ces deux Ab l-Jabr est un candidat sérieux à l‘identification avec bgbr. Le premier se situe à la 8e génération après l‘ancêtre commun (Mu wiya) et le second à la 5e. Le premier, si sa généalogie est exacte, est un arrière-petit-fils du prince Shura b l b. al- rith al-Malik, qui meurt au combat lors du premier yawm Kul b (probablement postérieur à 528, date de la mort d‘alrith al-M lik). Son grand-père Yaz d appartient à la même génération que le grand poète Imru al-Qays (b. ujr b. al- rith al-Malik). Il semble donc peu vraisemblable que cet Ab l Jabr ait l‘âge de commander une armée en 552. Le second, en revanche, appartient à la même génération que le prince Shura b l b. alrith al-Malik. Il peut être un homme d‘âge mûr en 552. On peut ajouter que le premier Ab l-Jabr descend de Amr b. Mu wiya (le père de ujr kil al-mur r), tandis que le second est issu d‘un frère de ce même Amr (qui s‘appelle al- rith b. Mu wiya) dont descendent également les derniers rois de Kinda à l‘époque de Mu ammad. Ab l-Jabr b. Wahb b. Rab a b. Mu wiya (al-Akram n) apparaît comme un meilleur candidat à l‘identification avec bgbr, le chef des Kindites de l‘armée d‘Abraha pour des raisons chronologiques et parce qu‘il n‘appartient pas aux ban Amr b. Mu wiya (identifiés aux bny- mrm) qu‘il est chargé de combattre. b. Abd al-Masī bṬ D ris al-Kindī, gouverneur ( qib) de Najr n 86 . Selon CASKEL, Khosraw I (531-579). . ifa, p. 87 / 12-13 : wa-Yatrab madīnat bi- a ramawt nazalat-h Kinda wa-k na bi-h Abū l-Jabr b. Amr. Voir aussi al-Hamd n , al-Iklil II, p. 18, et al-Iklīl VIII, p. 90 (qui précise qu‘Ab l-Jabr demande l‘aide de Kisrà contre les ban l- rith b. Amr b. Mu wiya, à savoir les descendants d‘al- rith al-Wall da, le frère de ujr kil al-mur r) ; Lecker 1994, p. 336 et nn. 4 et 8. 87 86 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Il faut encore mentionner le Kindite gouverneur ( qib) de Najr n à l'époque de Mu ammad. Selon la Vie exemplaire d'Ibn Hish m, la délégation des Najr nites qui se rend auprès de Mu ammad à al-Mad na est conduite par trois personnages importants : le qib, investi de l'autorité politique ; le sayyid, en charge du commerce et des affaires locales ; enfin l'évêque, chef de l'Çglise et responsable de l'enseignement. Les diverses traditions s'accordent sur le nom du qib, un Kindite manifestement chrétien : Abd al-Mas b. D ris al-Kind .88 Le nom de ce personnage n'apparaît pas dans les généalogies de Kinda : on ignore donc de quelle fraction il est issu. Le qib est d'ordinaire le représentant d'un pouvoir central. Même si nos sources ne le disent pas, Abd al-Mas b. D ris pourrait être, à Najr n, l'agent du pouvoir s s nide qui domine le Yémen depuis les années 570. Le fait qu'un Kindite soit investi de hautes responsabilités à Najr n peut être mis en relation avec l'appartenance de Madh ij à un ensemble tribal dominé par Kinda (voir ci-dessus A.2. « Les ban Badd »). cṬ Ukaydir bṬ Abd al-Malik al-Sakūnī 89 L‘inventaire ne serait pas complet si je ne mentionnais pas encore Ukaydir b. Abd al-Malik al-Kind al-Sak ni qui, en 9 de l‘hégire, régnait sur l‘oasis de D mat al-Jandal. Ukaydir appartenait à la fraction d‘al-Sak n appelée ban Shuk ma (ou ban Gh ira d‘après le nom de leur mère). 90 La tradition s‘accorde à le considérer comme chrétien. On ignore comment il est devenu le maître de l‘oasis.91 Peut-être fut-il à la tête d‘une troupe de mercenaires au service de Byzance ou des S s nides et sut-il tirer parti des désastres militaires des uns et des autres pour se tailler un domaine personnel en Arabie du Nord. Il est en tout cas le seul prince kindite qui n‘appartienne pas à la fraction Mu wiya. La plupart de ces princes sont appelés « rois » : il ne faut pas accorder trop d‘importance à ce titre. Comme le remarque le texte d‘al-Bal dhur déjà cité (cidessus C.3. « Les ban Wal a »), il suffit d‘être en possession de « nombreuses vallées » pour être reconnu comme tel. Ces rois sont avant tout des chefs de tribu. Si l‘autorité de certains peut s‘exercer sur un vaste territoire, c‘est en tant que gouverneur ou représentant d‘un véritable souverain (celui de imyar ou d‘al- ra). 88 . CAETANI 1907 (Annali dell'Islam, II / I), p. 350 ; Massignon 1943, p. 12. Il convient donc de distinguer le qib Abd al-Mas h du prince homonyme de Najr n appartenant aux l Abd al-Mad n, qui reçoit al-A shà. 89 . Voir L. VECCIA VAGLIERI, « D mat al-Jandal », dans Encyclopédie de l’Islam, deuxième édition ; CASKEL-1966, I, tableau 241, et II, p. 566-567. 90 . Ibn al-Kalb , Nasab Ma add, p. 190. 91 . On ne saurait exclure qu‘al- rith al-M lik ait dominé l‘oasis (comme le suppose CASKEL 1966-II, p. 329), mais ceci n‘explique nullement la présence d‘un prince kindite près d‘un siècle plus tard. Les rois de Kinda 87 Tableau 3 Les dynasties royales de Kinda Kinda (Thawr) _______________________________________________ Mu wiya Ashras _________________________ Amr (Muratti ) al-Sak n al-Sak kik Thawr Mu wiya Tuj b al- rith al-Akbar _____________________________________________ Mu wiya Wahb Badd ___________________________________ banū Badd al- rith al-A ghar Amr ___________________________________________ Mu awiya al-Akram n ujr kil al-mur r (425-450 ?) al- rith al-Wall da UJRIDES / banū Amr b. MU AWIYA ___________________________________________ Amr al-Maqṣūr (450-470 ?) Mu wiya al-Jawn l al-JAWN ___________________________________________________ al- rith al-Malik (c. 470-528) Imru l-Qays ép. Kabsha _________ banū KABSHA Wahb Ad ________________________________________ Abū l-Jabr Shura b l Ma d karib Salama Qays ujr Qays Imru al-Qays (poète) banū JABALA Abū l-Jabr Ma d karib Qays al-Ash ath (Ridda) Mu ammad Abd al-Ra m n / Ibn al-Ash ath (insurrection de 699-702) banū WALI A CHRISTIAN JULIEN ROBIN 88 D. Les rois légendaires Les cinq descendants en ligne directe de Mu wiya b. Kinda (Thawr) (Tableau 3) sont eux aussi considérés par les traditionnistes comme des « rois ». Kinda, originaire du a ramawt, aurait été contrainte à l'exil, à la suite d'une défaite. Elle se serait alors réfugiée au cœur de l‘Arabie déserte, dans le pays de Ma add, à Ghamr dh Kinda, à deux jours de marche de Makka. C'est au cours de cette migration que la tribu se serait donné un roi pour la première fois. Si l'on en croit al-Ya q b , cinq rois se succéderaient alors en ligne directe à la tête de Kinda : de père en fils, Murti b. Mu wiya b. Thawr (auquel on attribue un règne de 20 ans), Thawr b. Murti , Mu wiya b. Thawr, al- rith al-Akbar b. Mu wiya (40 ans) et Wahb b. al- rith (20 ans). C'est alors qu'une nouvelle branche accéderait au pouvoir. 92 al- rith al-Akbar, le père du dernier roi de cette dynastie, est manifestement un personnage-clé dans l‘histoire de Kinda puisque toutes les dynasties historiques prétendent descendre de lui. Tableau 4 Kinda dans la descendance de Qa QA n AN SABA Kahl n Udad ________________________________________________________ Julhuma ( AYYI ) Murra M lik [MADH IJ] Nabt (AL-ASH rith al- ________________________________________________ Lam s Sa d al- Ash ra Jald Yu bir(MURAD) Zayd ( Ans) Ad ______________________________________________ al- rith [ʻ MILA] Ufayr Amr (JUDHAM) M lik (LAKHM) Thawr (KINDA) 92 . OLINDER 1927, pp. 34-35, 38. AR) ULA Amr Ka b AL- ARITH Les rois de Kinda 89 E. LES UJRIDES ET LEURS SUZERAINS IMYARITES Pour préciser ce que fut le royaume kindite et la chronologie de ses rois, il faut encore examiner ce que nous savons de la domination imyarite sur l‘Arabie déserte. 1. Les suzerains imyarites mentionnés par la Tradition arabo-islamique Les traditionnistes savent parfaitement que les « rois » kindites ne sont pas de véritables souverains, mais de simples agents des rois imyarites. Pour être plus précis, cette dépendance des princes de Kinda par rapport aux rois de imyar n‘est soulignée que par une partie de la Tradition, celle que G. OLINDER appelle la « tradition sud-arabique ». En revanche, selon les informateurs originaires de la grande tribu de Bakr en Arabie du Nord-Est, cette tribu et ses rois kindites agiraient indépendamment, sans avoir besoin du soutien de imyar ou de la Perse.93 Le célèbre compilateur des « Combats des Arabes » (Ayy m al- Arab), cependant, n‘est pas dupe : il se rend compte que les princes ujrides ne sont pas de vrais rois, mais de simples « possesseurs de biens » (dhawū amw l).94 Les traditions sudarabiques rapportent que les rois kindites sont placés sur le trône par des souverains imyarites dont elles donnent parfois le nom. On relève notamment que : — ujr est intronisé par Tubba , ass n b. Tubba ou Tubba b. Karib ; — Amr reçoit le soutien de Marthad b. Abd Yankuf ; on rapporte également qu'il est au service de ass n b. Tubba puis de Amr b. Tubba ; — al- rith est investi par son oncle maternel Tubba b. ass n b. Tubba b. Malk karib b. Tubba al-Aqran ou bien par un usurpateur nommé uhb n b. dh arb (le successeur de Amr b. Tubba ). Parmi ces noms, certains peuvent être identifiés de manière assurée ou vraisemblable (Tableau 6). Il est sûr que ass n b. Tubba est aśś n Yuha min fils d‘Ab karib As ad. Tout d‘abord aśś n est le seul souverain connu à porter ce nom. Par ailleurs Tubba est le surnom habituel d‘Ab karib As ad (c. 375-c. 445). Il semblerait que aśś n accède brièvement au trône vers 445-450. Tubba est probablement Ab karib As ad comme je viens de le dire, mais il n‘est pas exclu que ce soit n‘importe lequel des rois de la dynastie imyarite puisque tous peuvent être surnommés ainsi. Tubba b. Karib est vraisemblablement Ab karib As ad b. Malk karib Yuha min, avec une graphie amputée du patronyme. Amr, selon les traditions, serait un frère de ass n. Il aurait assassiné ce dernier pour être roi à sa place. Une identification avec Shuri bi l Ya fur fils d‘Ab karib As ad et frère de aśś n, qui règne de c. 450 à c. 468, semble plausible. 93 . OLINDER 1927, pp. 21-23. . LECKER 2003, pp. 57, n. 103. 94 90 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Le nom de Marthad b. Abd Yankuf ne correspond à aucun roi connu. Tout au plus peut-on observer que le successeur de Shuri bi l Ya fur s‘appelle Shuri bi l Yakkuf (arabe Yankuf). Ce dernier fonde une nouvelle dynastie qui règne une vingtaine d‘années. Lui-même occupe le trône de c. 468 à c. 480. Quant à Marthad, ce nom se retrouve dans celui de deux rois, Marthad il n Yun im petit-fils de Shuri bi l Yakkuf (c. 480-485) et Marthad il n Yan f (c. 500-c. 515), mais rien n'autorise une identification. Il reste enfin uhb n b. dh arb dont on ne sait rien. Le seul souverain imyarite qui jette quelque lumière sur la chronologie est aśś n. ujr kil al-mur r est intronisé par lui. Amr b. ujr est à son service et à celui de son frère. Enfin al- rith b. Amr b. ujr est investi par un fils de aśś n. aśś n est apparemment le fils aîné d‘Ab karib As ad qui disparaît vers 445 à un âge très avancé. Il commence donc sa carrière bien avant cette date. L‘installation de ugr kil al-mur r peut donc intervenir à une date quelconque pendant la première moitié du Ve siècle. De façon hypothétique, nous situons le règne de ujr (23 ans selon al-Ya q b ) entre 425 et 450. Amr al-Maq r serait le contemporain de aśś n et de Shuri bi l Ya fur (= le roi imyarite Amr). Son règne peut être placé vers 450-470. Enfin, si nous faisons commencer le règne d‘al- rith al-Malik vers 470, ceci s‘accorde avec le fait que ce prince soit investi par un fils de aśś n et qu‘il gouverne pendant soit 40 ans soit 60 (selon les sources). 2. Les expéditions imyarites en Arabie déserte Pour mieux appréhender ce que fut le pouvoir des Kindites sur l‘Arabie déserte, il faut analyser maintenant le point de vue imyarite. Le royaume de imyar commence à s‘immiscer dans les affaires de l‘Arabie déserte vers 345, peu après la conquête du a ramawt. Je vais présenter les phases que l‘épigraphie nous révèle en me référant au souverain régnant (voir Tableau 6). a. Tha r n Yuhan im (c. 324-c. 375) Le texte le plus ancien 95 — c‘est aussi le plus long et le plus détaillé, même s‘il est en partie illisible — relatant des expéditions imyarites dans l‘Arabie déserte date du règne de Tha r n Yuhan im. Ce n‘est pas le roi lui-même qui en est l‘auteur, mais un prince du a ramawt (Malsh n Aryam dhu-Yaz an) qui commémore notamment ses exploits ainsi que ceux de ses fils (Khawliyum, Shuri bi l, Ma d karib et Marthadum) et d'un petit-fils (Bar lum fils de Ma d karib). Malsh n est le fondateur d'une principauté qui, sous la tutelle des souverains imyarites, va dominer le Yémen oriental pendant près de trois siècles. L'inscription, qui porte la date de juin 360 (dhu-madhra n 470 de l'ère imyarite), se compose de deux parties. La première relate douze campagnes militaires que dirigent ou auxquelles participent les Yaz anides. La seconde détaille 95 . Abad n 1. Les rois de Kinda 91 une longue liste de constructions ou d'aménagements réalisés pendant la même période. Ce sont les campagnes militaires qui nous intéressent ici. Elles sont dirigées contre Akkum (littoral septentrional du Yémen sur la mer Rouge, campagne n° 11) ; Sahrat n (versant occidental des montagnes du Yémen et du As r, campagnes n° 2 et 10) ; Mahrat (extrême-est du Yémen, campagnes n° 4, 5 et 9) et Yabr n (Arabie orientale, à 250 km au sud-ouest de l'actuel Qa ar, campagne n° 4) ; Asd n (al-Asd ou al-Azd, dans le As r, campagne n° 7) ; Iy dhum (Iy d, tribu de l‘Arabie du nord-est dont le sayyid est capturé, campagne n° 6) ; enfin l'Arabie centrale (campagnes n° 8 et 12) — je vais revenir sur ces 6e, 8e et 12e campagnes. On peut supposer que la dernière campagne (n° 12) est juste antérieure à la date de l'inscription, 360. Pour estimer combien de temps sépare la première et la dernière campagne, nous ne disposons que d'indications indirectes : l'inscription donne la liste des princes qui conduisent chaque campagne et signale si un prince participe aux combats pour la première fois (tbkr) ou s'il vient de quitter le service armé (h qf). Or la 1e campagne est dirigée par Malsh n et son fils Khawliyum qui participe à une expédition pour la première fois ; or ce même Khawliyum cesse de porter les armes lors de la 11e campagne. L'inscription indique encore que Ma d karib et Marthadum entrent dans le service actif à l'occasion de la 5e et de la 6e campagne respectivement. Enfin, Shuri bi l, le deuxième fils de Malsh n, se retire du service actif lors de la 12e campagne, à laquelle participe pour la première fois un fils de Ma d karib (Bar lum b. Ma d karib). 1 3 5 6 11 12 Malsh n *Khawliyum* Khawliyum Malsh n Khawliyum Khawliyum #Khawliyum# *Shuri bi l* Shuri bi l Shuri bi l Shuri bi l #Shuri bi l# *Ma d karib* Ma d karib *Marthadum* Ma d karib Ma d karib Marthadum um + *Bar l * fils de Ma d karib ** Participation à une campagne pour la première fois ## Fin du service armé Il s'écoule donc un laps de temps un peu supérieur à une génération entre la 1ère et la 12e campagne, soit une trentaine d'années. L'inscription de Abad n jette quelque lumière sur les rapports entre une principauté dirigée par des princes (qayl) et le souverain. Il est notable que ce dernier ne soit pas invoqué à la fin de l'inscription, comme c'est la règle : les princes Yaz anides se considèrent sans doute comme les égaux du roi.96 Huit des douze . L‘absence d‘invocation au roi se trouve surtout dans les inscriptions des Yaz anides : voir 96 92 CHRISTIAN JULIEN ROBIN campagnes sont conduites par les Yaz anides, sans aucune allusion à une injonction du souverain. Dans les quatre dernières, cependant, il est explicitement signalé que les Yaz anides combattent sous ses ordres. C'est le roi Tha r n Yun im en personne qui commande les 2e et 7e campagnes, dirigées contre Sahrat n et le Pays d'Asd n ; ce sont les « rois » Tha r n Ayfa et Dhamar al Ayfa — personnages mal identifiés qui seraient des parents de Tha r n Yun im déjà âgé — dans les 10e et 11e campagnes (à nouveau contre Sahrat n et contre Akkum). Il est remarquable que les quatre campagnes royales ne dépassent pas la périphérie du Yémen. Les aventures lointaines sont commandées par les seuls Yaz anides. Il reste à examiner les 6e, 8e et 12e campagnes qui se déroulent en Arabie déserte, au-delà des régions proches du Yémen. Elles peuvent être datées respectivement de c. 345, de c. 350 et des années qui précèdent 360. La 6e campagne, dont le texte est incomplet, est dirigée par les princes um Khawliy , Shuri bi l et Maʻd karib, auxquels se joint Marthadum qui part au combat pour la première fois. Les forces mobilisées sont fournies par « [... ...], Mur dum, Mashriq n, ayfat n et les Arabes du a ramawt ».97 Lors d'un engagement dont le détail est perdu « Khawliyum capture Tha labat b. Sal lum sayyid de Iy dhum » ;98 on observera que, dans la généalogie d‘Iy d transmise par Ibn al-Kalb , un personnage se nomme justement Tha labat b. Sal l,99 sans grand risque d‘homonymie du fait de la rareté du patronyme. 100 L'énumération du butin se termine avec la mention de 2 500 chameaux et de 9 chevaux (capturés ou tués). Deux indices suggèrent que cette campagne se déroule en Arabie du centre ou du nord-est : la mobilisation d'auxiliaires arabes (Mur dum et les Arabes du a ramawt) — or seules les 6e et 12e campagnes mentionnent de tels auxiliaires — et la capture du chef d'une grande tribu dont l‘habitat est proche du Bas-Euphrate. La 8e campagne est placée sous le commandement de « Khawliyum et de ses frères, les fils de Malsh n ». Les forces mobilisées proviennent de la commune des Yaz anides (Mashriq n et ayfat n), de Marib, de la commune Shadd dum et de la commune Khawl n dhu- ab b ; elles comptent 300 cavaliers. Les Yaz anides ont pour objectif Gaww n (arabe al-Jaww) et Kharg n (arabe al-Kharj). L'identification de Kharg n avec la ville d'al-Kharj à 80 km au sud-est de la moderne al-Riy dans le Najd est assurée. Quant à Gaww n, ce peut être une bourgade de l'oasis d'al-Kharj, mais d'autres identifications sont possibles. La conviction que cette campagne se déroule bien en Arabie centrale est confirmée par la mention de Ma add : les Yaz anides « combattent ms¹n H̲rgt et une tribu de MAFRAY-Ab Thawr 4 (juin 486) ; MAFYS- ura 3 = RES 4069 (août 488), BRYanbuq 47 (avril 515). Dans RES 5085 (octobre 450), les Yaz anides invoquent « leurs seigneurs les rois, maîtres de Rayd n » (w-b-rd mr -hmw mlkn b l Rdn), sans donner leurs noms. 97 . ...] w-(M)rdm w-M(s²)rqn w- yftn w- rb rmt. 98 . w-( )s³r H̲wlym lbt bn S³llm s¹yd y m. 99 . Voir CASKEL 1966 I, tabl. 174. 100 . Dans l‘index de CASKEL 1966 (II, p. 509), on ne relève que sept occurrences de l‘anthroponyme Sal l. Les rois de Kinda 93 Ma addum ».101 De l'énumération du butin, il subsiste la mention de « cent captifs, 3.200 chameaux et 25 chevaux capturés ou tués ». La 12e campagne est également significative. Elle est placée sous le commandement des princes « Ma d karib et Marthadum, après que leur frère Shuri bi l eut été libéré de ses obligations », et elle accueille le prince Bar lum fils de Ma d karib qui combat pour la première fois. Cette campagne est explicitement dirigée contre Ma add. Les forces mobilisées proviennent de la commune des Yaz anide (Mashriq n et ayfat n) et d'auxiliaires arabes fournis par les tribus de Kinda, Madh ij et Mur d;102 elles comptent 2 000 hommes et 160 cavaliers. Les Yaz anides « se heurtent à la tribu Abdqays n (arabe Abd al-Qays) à Siyy n (arabe al-Siyy) aux eaux du puits de Sigah (arabe Sij ) entre le Pays de Niz rum et le Pays de Ghass n et combattent contre la tribu Shannum et les ban Nukrat et les ban abirat ».103 Le bilan n'est pas négligeable. Les princes Marthad um et Bar lum capturent chacun deux combattants et Bar lum en tue un au combat. Les officiers et la troupe tuent ou font prisonniers 150 combattants, tuent ou capturent 18 chevaux et enfin s'emparent de 400 captifs, 4 000 chameaux et 12 000 moutons. Les ethnonymes et toponymes renvoient tous vers l'Arabie occidentale (Niz r, Ghass n, al-Siyy),104 centrale (Sij )105 et orientale ( Abd al-Qays, sa fraction Shann ainsi que les ban Nukrat et abirat qui en sont probablement les lignages dirigeants). 106 L'inscription Abad n nous apprend donc que la conquête de l'Arabie centrale commence un peu avant 350 par des raids lancés à l'initiative de princes du a ramawt, avec l'aide de tribus arabes, Kinda, Madh ij et Mur d. b. Abīkarib As ad (c. 375-c. 445) et son fils aśś n Yuha min Ab karib As ad est le petit-fils de Tha r n Yuhan im. Ses inscriptions et celles de ses sujets, peu nombreuses, ne font jamais allusion à des opérations militaires ou à des faits d‘armes, pas même Ma sal 1 = Ry 509, gravée à Ma sal alJum , au cœur du Najd. Dans ce dernier texte, le roi Ab karib As ad et son fils aśś n Yuha min rapportent qu‘ils sont venus dans le Pays de Ma add, en ont pris possession et y ont établi diverses communes sudarabiques.107 . w- rbw ms¹n H̲rgt w- s²rm bn M dm. . Kdt w-M gm w-Mrdm. 103 s¹n w- r30bw s²rtn . w-hwkbw s²rtn bdqys¹n b-S¹yn ly mw b rn S¹gh bynn r Nzrm w- r m S²n w-bny Nkrt w-bny ( b)rt. 104 . Selon al-Bakr , Mu jam, al-Siyy se trouve à trois étapes de Makka, entre dh t Irq et Marr n, soit à quelque 100-220 km à l‘est-nord-est de Makka. 105 . Les puits de Sij / Saj se trouvent à 380 km au nord-est de Makka. 106 . Abd al-Qays est une grande tribu de Rab a (CASKEL 1966-I tableaux 141 et 168) ; Shann est l‘une de ses principales fractions. Les ban abirat peuvent être rapprochés de abira b. al-D l b. Shann b. Af à b. Abd al-Qays ou de abira b. Nukra b. Lukayz b. Af à b. Abd al-Qays ; quant aux ban Nukrat, ils se retrouvent dans la généalogie d‘Ibn al-Kalb sous la forme Nukra b. Lukayz b. Af à b. Abd al-Qays. 107 . Les rois « ont gravé cette inscription dans le w d | Ma sal Gum n, quand ils sont venus 101 102 94 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Les participants à cette expédition sont : — des communes sudarabiques : « a ramawt et Saba — les fils de Marib —, les cadets de leurs qayls, les (plus) jeunes de leurs officiers, leurs agents, leurs chasseurs et leurs troupes » ;108 — des tribus arabes : « Kiddat, Sa d, Ulah et (H)... »,109 à savoir Kinda, Madh ij (puisque Sa d et Ula sont des fractions de Madh ij) et une tribu non identifiée. Cette inscription a manifestement un caractère fondateur du fait de sa localisation et de son contenu : non seulement les deux souverains prennent possession de nouveaux territoires, mais ils inaugurent une nouvelle titulature (cidessous E.3. « Le changement de titulature des rois imyarites correspond-il à l‘installation des princes kindites ? »). La date de l‘expédition n‘est pas donnée par le texte. Elle se situe de manière sûre entre c. 400 et 455, peut-être vers 440 (si on se fonde sur une nouvelle titulature qui ne serait pas encore en usage en 433). Il est sûr en effet qu'elle est antérieure à janvier 456, date d‘une inscription dont l‘auteur est Shuri bi l Ya fur, fils d‘Ab karib As ad, régnant seul.110 On peut dire également qu'elle se situe après l‘accession de aśś n Yuha min à la corégence, c. 400 (Tableau 6). Il est vraisemblable enfin — mais non assuré — qu‘elle est postérieure à août 433 (date d‘une inscription dans laquelle un prince hamd nide invoque les souverains en leur donnant l‘ancienne titulature). 111 Si l‘expédition date effectivement de c. 440, Ab karib As ad, sur le trône depuis plus de 50 ans, est un homme très âgé. Il est douteux qu‘il ait participé effectivement à l‘expédition. Ceci pourrait expliquer que la plupart des traditions attribuent l‘intronisation de ujr kil al-mur r en Arabie centrale à son fils aśś n. Cependant, dans la Tradition arabo-islamique, Ab karib As ad, sous le nom d‘Ab Karib As ad le Parfait (al-K mil), est bien un héros conquérant, menant ses armées jusqu‘à l‘Asie centrale et l‘océan Atlantique. On prétendait également qu‘il fut le premier souverain à reconnaître la sainteté du sanctuaire mecquois (qu‘il revêtit d‘une kiswa) et qu‘il introduisit le judaïsme au Yémen. Dans le commentaire de sa Qa īdat al-D migha, al-Hamd n le définit ainsi : « Tubba le Moyen [b.] Kal karib, qui est As ad Ab Karib, dont la kunya est Ab ass n, à savoir dh Tabb n, 680 ans, alors qu'il est dit : 326 ans. Ensuite régna son fils ass n, qui fit et ont pris possession du Pays | de Ma add um lors de l'installation de certaines de leurs tribus ... », ... rqdw n mrqdn b-wd5yn M s¹l Gm n k-s¹b w w- llw r 6 M dm (b-)mw nzlm bn s² bhmw ... 108 . … w-b-s² b-h7mw rmwt w-S¹b [w-]bny Mrb w- ( )rt 8 qwl-hmw w-( )lm [kl] mqtwt-hmw w- t9ly-hmw w- yd-hmw w-qb -hmw ... 109 . w-b- rb-h10mw Kdt w-S¹( )d w-( )lh w-(H).[?]. Des deux premières lettres du dernier mot, il ne subsiste que la partie supérieure ; la première lettre est un H ou un H̲, et la seconde un alif, un d, un s¹, un f (?), un q ou un n (avec une petite préférence pour le alif). 110 . CIH 540. 111 . Voir Ry 534 + Rayda 1. Les rois de Kinda 95 une expédition contre asm et Jad s ... ».112 La conquête de l‘Arabie centrale est sans doute à l‘origine de ces développements légendaires. c. Shuri bi īl Yakkuf (c. 468-c. 480) Shuri bi l Yakkuf, qui ne donne jamais de patronyme, inaugure une nouvelle dynastie vers 468. Une seule inscription, découverte récemment à Ma sal,113 évoque des opérations militaires. Elles est malheureusement en grande partie érodée, de sorte qu‘on ne lit guère que le nom du roi et de ses corégents, une année (584 de l‘ère imyarite, soit 475 de l‘ère chrétienne) et quelques mots qui permettent de penser que le texte commémorait des exploits guerriers. Dans ce texte, le royaume d‘ al- ra est mentionné sous le nom de Tan kh.114 d. Ma dīkarib Ya fur (c. 519-522) On ne connaît que deux inscriptions remontant à ce règne, toutes deux rédigées par le roi. La première (Ma sal 2 = Ry 510) a été gravée en juin 521 à Ma sal al-Jum en Arabie centrale ; la seconde (Ja 2884), qui se trouve à am a, à 180 km environ au nord-nord-ouest de Najr n, est postérieure de deux mois (août 521). On devine aisément que ces deux textes ont été composés au retour d‘une expédition militaire. De fait, Ma sal 2 = Ry 510 commémore une campagne contre le Bas- Ir q, avec le soutien d'Arabes alliés de Byzance. 115 En bref, Ma d karib Ya fur prétend avoir soumis les Arabes qui s‘étaient révoltés, malgré les attaques de « Mudhdhirum » (à savoir al-Mundhir, roi d‘al- ra). Mais il ne nomme pas ces Arabes et ne mentionne aucun résultat concret (nombre d‘ennemis tués, captifs, butin etc.). On peut donc supposer qu‘il n‘y a pas eu de véritable bataille et donc que la campagne a été une simple démonstration de force sans effet durable. Le seul détail topographique est la mention de rq Kt , que nous avons identifié avec la partie du Ir q dont K th (ville située à mi-chemin entre l‘Euphrate et le Tigre sur le canal de même nom, à 35 km au sud-sud-ouest d‘al-Mad in) est le centre. Les forces mobilisées sont : — les communes du royaume imyarite : « Saba , imyarum, Ra bat n, a ramawt et le Sud ( ?) » 116 ; — les auxiliaires arabes : Kiddat et Madh| i[g]um ;117 — des alliés arabes : les ban Tha labat, Mu ar et S¹(..).118 112 . Pp. 534 / 19-535 / 1. . Ma sal 3. 114 . ROBIN 2008, p. 190. 115 . Ma sal 2 = Ry 510. 116 . w-s¹b w b-s² b-hmw S1b w- myrm w-R b7tn w- ( )rmt w-Y(m)n. La lecture et la signification de Y(m)n sont hypothétiques : la traduction par « Sud » repose sur l'hypothèse que Y(m)n est une graphie défective de Ymnt, « Sud » : comparer avec gy (Ry 512 / 1) et gyt (Ja 1031 a / 1). 117 . w-b- m rb-hmw Kdt w-M 8 [g]m. 118 . w-b- m bny lbt w-M r-w-S1.(h). 113 96 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Une différence importante distingue les alliés des auxiliaires : c‘est la mention de leurs chefs, les ban Tha labat (ce qui implique leur autonomie). Deux textes syriaques appartenant à une même tradition indiquent que ce roi (qu‘elles appellent Ma d karim ou Ma dōkarim) a été placé sur le trône par les Aks mites et qu‘il est chrétien.119 Ceci s‘accorde bien avec le fait que le prince kindite Arethas (al- rith al-Malik), en charge de l‘Arabie centrale, a conclu une alliance avec l'empereur byzantin Anastase (491-518) (ci-dessus B.3. « al- rith alMalik b. Amr »). e. Abraha (c. 535-c. 565) Trois inscriptions d'Abraha jettent un peu de lumière sur la fin de la dynastie kindite. La première est CIH 541 (déjà évoquée à propos de Yaz d b. Kabshat) qui date de mars 548 ( -m n 658 im.). Ce texte fort long, réalisé avec soin, est gravé sur un pilier qui se dressait sur la colline à l‘ouest du môle septentrional de la Digue de Marib, à côté d‘un pilier semblable qui portait l‘inscription CIH 540 du roi Shuri bi l Ya fur (c. 450468), commémorant une importante réfection de la Digue. Il est manifeste que, dans ce texte, Abraha cherche à se présenter comme l‘émule et le continuateur d‘un grand roi imyarite, auquel il se réfère explicitement. 120 Il a besoin de cet illustre patronage parce que la légitimité de son accession au trône a été contestée aussi bien par certains de ses sujets (Kinda et d‘autres groupes)121 que par son suzerain aks mite. Dans CIH 541, Abraha relate tout d‘abord sa campagne contre Kinda au a ramawt et la soumission des révoltés ; il détaille ensuite les travaux qu‘il a effectué sur la Digue ; il mentionne enfin de façon incidente que, toujours à Marib, il a consacré une église et réuni (à l'automne 547) une conférence diplomatique avec des représentants de Rome, de l'Çthiopie, de la Perse et de trois princes arabes. Le deuxième texte, Muryagh n 1 = Ry 506 (déjà mentionné), porte la date de septembre 552 ( - ln 662 im.). Dans cette importante inscription rupestre, gravée près des puits de Muraygh n, Abraha commémore des opérations militaires dans l‘Arabie déserte, qualifiées de « quatrième expédition ». Deux colonnes d'auxiliaires arabes qui razzient Ma add, engagent le combat contre les ban mrm et sont victorieuses, faisant du butin et des prisonniers. Les deux batailles, dans « le w d Mur kh » et « le w d à l‘aiguade de Tur b n », peuvent être localisés (sans certitude) à 250 km au nord-ouest et à 335 km à l‘ouest de la moderne al-Riy . Le roi Abraha se rend alors à alib n (à 275 km au sud-ouest d‘al-Riy ) où la tribu de Ma add fait acte d‘allégeance et remet des otages. Ce succès d'Abraha à alib n a frappé les contemporains, puisqu'il a laissé des échos dans la poésie arabe 119 . BEAUCAMP et alii 1999, pp. 75-76 ; ROBIN 2010 b, pp. 72-73. . Voir CIH 541 / 98 (Y fr) ; voir aussi DAI GDN 2002 / 20, ll. 14-15 ([S²r b] l Y f[r]), texte qui est une ébauche de CIH 541. 121 . L‘inscription CIH 541 / 14-18 mentionne « les princes de Saba , les Sa arides Murrat, | Thum mat, anashum et Marthadum, ainsi que a|n fum dhu-Khal l et les Yaz anides, les prince|s Ma d karib fils de Sum yafa et Ha n et ses frères ban Aslam ». 120 Les rois de Kinda 97 préislamique. Comme nous l‘avons vu (B.6. « Les ban Amr de l‘inscription Muraygh n 1 »), il s‘agit d‘une guerre contre Ma add et leurs princes, « tous les ban Amr » (à savoir les ujrides). Vers le milieu du VIe s., des princes kindites ont donc encore des positions de pouvoir en Arabie centrale. À la suite de cette guerre, le Na ride Amr b. al-Mundhir se rend à Abraha et remet son fils en otage.122 La troisième inscription d‘Abraha se trouve également à Muraygh n. Elle complète la précédente en rapportant que ʻAmr b. al-Mundhir a été expulsé d‘Arabie centrale123 et que toute une série de régions et de tribus en Arabie orientale, septentrionale et occidentale font leur soumission : « ... et (Abraha) a soumis tous les Arabes de Ma addum[, Ha]garum, Kha , um ayy , Yathrib et Guz m (ar. Judh m ?) ».124 Hagarum (Hajar) et Kha sont dans la région du golfe Arabo-persique, um ayy en Arabie du Nord, Yathrib (aujourd'hui al-Mad na) et Judh m en Arabie du Nord-Ouest. Cette inscription encore inédite qui a reçu le sigle Muraygh n 3 n‘est pas datée. Elle développe les conséquences de la soumission de Ma add et de la reddition de Amr fils d‘al-Mundhir : de ce fait, elle semble légèrement postérieure à Muraygh n 1 = Ry 506, sans qu‘on puisse dire s‘il s‘agit de semaines, de mois, ou même d‘une année ou deux. 3. Le changement de titulature des rois imyarites correspond-il à l’installation des princes kindites ? Dans l‘inscription de Ma sal al-Jum (Ma sal 1 = Ry 509) qui commémore l‘annexion de Ma add, on constate que les souverains imyarites ont modifié leur titulature. Depuis la conquête du a ramawt, un peu avant 300 de l‘ère chrétienne, ils s'intitulaient : « roi de Saba , de dhu-Rayd n, du a ramawt et du Sud ».125 Ils ajoutent dès lors la mention des Arabes. La nouvelle titulature se lit tout d‘abord (Ma sal 1 = Ry 509) : « roi de Saba , de dhu-Rayd n, du a ramawt et du Sud, et des Arabes du Haut-Pays et du Littoral ».126 . « A la suite de cela, s‘est livré à lui (Abraha) Amrum fils de Mudhdhir n (= al-Mundhir) 8 qui lui a remis en otage son fils alors qu‘il (= Amrum) l‘avait établi comme gouverneur sur Ma addum », w-b dn-hw ws³ -hmw mrm bn M rn 8 w-rhn-hmw bn-hw w-s¹thlf-hw ʻly Mʻdm. Concernant notre interpétation de ce passage crucial, voir ROBIN « à paraître ». 123 . Muraygh n 3 / 3 : « et il a chassé Amrum fils de Mudhdhir n », w- rdw mrm bn M r n. 124 . Muraygh n 3 / 3-4, w-s¹ 4tq w ᾽ʻrb M dm[ w-H]grm w-H̲ w-Ţym w-Ytrb w-Gz(m). 125 . mlk S¹b w- -Rydn w- rmwt w-Ymnt. 126 . mlk S¹b w- -Rydn w- rmwt w-Ymnt w- rb wd w-Thmt. Le texte fragmentaire BynM 17 présente une variante intéressante : ( )bk(r)[b ]s¹ (d)[ w-bny-hw ]|s³n Yh mn wM[ dkrb Yn m ]|mlk S¹b w-( -)[Rydn w- rmwt w-]| Ymnt w- [wd w-Thmt ... ...]. Comme 122 98 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Peu après, lors de l‘accession au trône de Shuri bi l Ya fur, elle subit un petit changement, avec le remplacement de « et des Arabes du Haut-Pays et du Littoral » par : « … et de leurs Arabes dans le Haut-Pays et sur le Littoral ».127 Ensuite, elle ne varie plus jusqu‘à la disparition du royaume de imyar. Sa dernière attestation est datée de novembre 558. Dans cette titulature, l‘adjectif possessif « leurs » (dans « leurs Arabes ») renvoie à « Saba , dhu-Rayd n, a ramawt et le Sud », c‘est-à-dire à imyar. L‘ajout de la mention des Arabes – ou plutôt de certains Arabes – dans la titulature imyarite a une importance politique capitale : pour la première fois, les Arabes sont considérés comme des acteurs majeurs, d‘une dignité égale aux tribus royales de l‘Arabie méridionale.128 La question qui se pose est de savoir si l‘adoption de la nouvelle titulature correspond à la désignation de ujr comme représentant du roi de imyar dans le Pays de Ma add. C‘est possible sans être sûr. ujr a pu être investi de cette responsabilité à une date antérieure. C‘est cette dernière option que nous avons retenue ci-dessus (Tableau 3) en supposant que ujr aurait reçu le pouvoir sur Ma add vers 425. 4. L’implicite dans les inscriptions imyarites : le cas des rois de Kinda Aucune des inscriptions royales imyarites ne mentionne explicitement que le pouvoir sur les tribus de l‘Arabie deserte est délégué aux princes kindites. On peut deviner cependant qu‘il en est bien ainsi. C‘est la composition des armées imyarites qui le suggère. Les forces sur lesquelles les souverains imyarites s‘appuient pour contrôler l‘Arabie déserte se composent systématiquement de deux ensembles : des troupes recrutées au Yémen même et des auxiliaires fournis par les tribus arabes de la périphérie. Selon Ma sal 1 = Ry 509, lors de la prise de possession du Pays de Ma addum (vers 440), ce sont : — une armée constituée de troupes régulières recrutées dans deux des composantes de imyar, le a ramawt et Saba , ainsi que de personnages de rangs divers ; — des auxiliaires recrutés dans les tribus arabes de Kinda, Sa d al- Ash ra et Ula. il s‘agit d‘une copie provinciale malhabile de la liste officielle des rois, on peut se demander si la titulature restituée « S¹b w- -Rydn w- rmwt w-Ymnt w- wd w-Thmt » — sans mention des Arabes — reflète une titulature effectivement portée par les rois ou si elle abrège librement la formulation officielle. 127 . … w- rb-hmw wdm w-Thmt. 128 . ROBIN 2006. Les rois de Kinda 99 Dans les textes postérieurs, commémorant d‘autres opérations de imyar dans l‘Arabie déserte, il en va de même. D‘après Ma sal 2 = Ry 510, en 521, les troupes du roi Ma d karib Ya fur se composent d‘une part des « tribus Saba , imyarum, Ra bat n, a ramawt et Sud » (ll. 6-7), d‘autre part des auxiliaires arabes « Kiddat et Madh i(g)um », ainsi que des « ban Tha labat, Mu( a)r et S¹ … » (ll. 7-8). Une trentaine d‘année plus tard, en 552, Abraha dépêche deux colonnes d‘auxiliaires arabes, commandées par « Ab gabr, avec Kiddat et Ula, et Bishrum fils de i num, avec Sa dum et Mur dum » (Muraygh n 1 = Ry 506 / 4-5). Il faut encore évoquer le texte fragmentaire Gajda-al- Ir fa 1 / 3 qui mentionne la tribu arabe de Madh igum (arabe Madh ij). Lors de leurs expéditions en Arabie déserte, les armées des princes Yaz anides se composent de même de troupes imyarites et d‘auxiliaires arabes (cidessus E.2.a. « Tha r n Yuhan im, c. 324-c. 375 »). En bref, quand ils interviennent militairement dans l‘Arabie déserte, les imyarites demandent régulièrement le soutien de quelques tribus arabes installées à la périphérie du Yémen, entre le a ramawt (Kinda), le nord du Jawf (Mur d) et la région de Najr n (Madh ij et ses fractions Sa d [al- Ash ra] et Ula) : Tableau 5 Les tribus arabes fournissant des auxiliaires aux rois imyarites lors de leurs expéditions en Arabie déserte c. milieu du Ve s. Ma dīkarib (521) Abraha (552) Abad n 1 Ma sal 1 Ma sal 2 Muraygh n 1 Abad n 1 al- Ir fa 1 Ma sal 2 IV Kinda (Kdt) m Madh ij (M g ) e s. Sa d (S¹ d) Ma sal 1 Sa d (S¹ dm) Muraygh n 1 Muraygh n 1 Ula ( l) Ma sal 1 Ula ( lh) Mur dum (Mrdm) rb H.[?] rmt Abad n 1 Muraygh n 1 Abad n 1 Ma sal 1 On peut observer que le nom de Madh ij se trouve dans trois inscriptions. Dans deux autres (Ma sal 1 = Ry 509 et Muraygh n 1 = Ry 506) où il manque 100 CHRISTIAN JULIEN ROBIN curieusement, il est remplacé par celui des tribus l / lh et S¹ dm / S¹ d qui sont précisément deux fractions de Madh ij : Sa d al- Ash ra b. M lik [Madh ij] et Ula b. Jald b. M lik [Madh ij] selon les généalogies d‘Ibn al-Kalb .129 Les auxiliaires arabes des rois imyarites sont systématiquement recrutés dans trois tribus : Kinda, Madh ij (qui dépend des rois de Kinda) et Mur d. Au moment de l‘enregistrement des généalogies, vers les débuts de l‘époque islamique, la tribu de Mur d est une fraction de Madh ij (Tableau 4). Nous supposons qu‘il en était de même avant l‘islam. Quant à la tribu de Madh ij, elle est la sujette du roi de Kinda au IIIe siècle (A.2. « Les ban Badd ») et il en va vraisemblablement de même par la suite, au moins jusqu‘à la fin de la dynastie ujride (C.5.b. « Abd al-Mas b. D ris al-Kind »). Nous présageons donc que le roi de Kinda a autorité sur Kinda, mais aussi sur Madh ij et sur Mur d. Le fait que Kinda, Madh ij et Mur d soient toujours énumérées dans cet ordre semble confirmer cette supposition. Si tout ceci est bien exact, il apparaît que le pouvoir imyarite sur l‘Arabie déserte repose avant tout sur les tribus de Kinda, de Madh ij et de Mur d. Pour un lecteur attentif et critique des inscriptions, ces tribus ont un chef qui joue manifestement un rôle éminent. 5. Quel était le titre que portaient les princes kindites ? Au IIIe siècle, les inscriptions sabéennes et imyarites donnent volontiers le titre de « roi » aux chefs de Kinda et à ceux de quelques autres tribus arabes. Mais aucune de ces inscriptions n‘est postérieure à la conquête de l‘Arabie déserte par imyar, qui commence après le règne de Shammar Yuhar ish (mort vers 315). On peut en déduire que les imyarites cessent de reconnaître comme « roi » les chefs des tribus qui passent sous leur autorité. Le graffite « ugr fils de Amrum roi de Kiddat »,130 qui date très probablement du Ve siècle comme non l‘avons vu (ci-dessus B.1. ujr kil almur r b. Amr), ne contredit pas cette conclusion. Il ne s'agit pas d'une inscription monumentale exposée dans une ville, à savoir d‘un document dont les autorités peuvent contrôler le contenu, mais d'un graffite hâtivement incisé sur un rocher du désert. Ce graffite n'en est pas moins intéressant : il montre que, même si les imyarites ne reconnaissent plus le titre royal que portaient certains chefs tribaux, ces derniers continuent à s‘en prévaloir. Quant au titre officiel que portaient les princes kindites en charge des affaires de l‘Arabie déserte, on peut supposer que c‘était « représentant (du roi) » (ẖlft, à vocaliser probablement khalīfat) ? Ce sont deux inscriptions d‘Abraha qui le donnent à penser : — CIH 541 / 9-13 : 129 130 . CASKEL 1966-II, tableau 258. . Gajda- ujr : gr bn mrm mlk Kdt. Les rois de Kinda 101 « Il a écrit cette inscription après que se soit révolté et ait violé son serment Yazīd bṬ Kabshat, son gouverneur, qu'il avait nommé sur Kiddat, alors que (cette tribu) n'avait pas de gouverneurṬ Il s'est révolté ṬṬṬ » (w-s¹ rw n ms³ndn k-q10s¹d w-hẖlf b-gzmn Yzd 11 bn Kbs²t ẖlft-hmw 12 s¹ tẖlfw ly Kdt w-d kn 13 l-hw ẖlftn w-qs¹d ṬṬṬ) ; ḍ Muraygh n 1 = Ry 506 / 7-8 : « à la suite de cela, s’est livré à lui (Abraha) Amrum fils de Mudhdhir n (= al-Mundhir) 8 qui lui a remis en otage son fils alors qu’il (= Amrum) l’avait établi comme gouverneur sur Ma addum » (w-b dn-hw ws³ -hmw mrm bn M rn 8 w-rhn-hmw bn-hw w-s¹tẖlf-hw ly m M d ). 6. Kinda, Qa ṭ n et imyar La fédération tribale réunissant Madh ij et Mur d sous la direction de Kinda, que divers indices conduisent à restituer, est le bras armé des Yaz anides et des rois de imyar dans toutes les opérations militaires en Arabie déserte. Elle a manifestement une grande familiarité avec ce terrain difficile, qui fait défaut aux montagnards du Yémen. Il est logique, de ce fait, que les rois de Kinda aient une part importante dans l‘administration des territoires conquis et que le nom des Arabes apparaissent finalement dans la titulature imyarite. Les princes kindites en tirèrent un grand prestige, comparable à celui des Mecquois à la veille de l‘Islam. Ceci pourrait expliquer pourquoi on en trouve à la tête de principautés diverses, en Arabie orientale, à Najr n ou à D mat al-Jandal. Il n‘est pas impossible que certains aient été sollicités d‘exercer le pouvoir par les tribus elles-mêmes comme certains le disaient de Bakr b. W il (voir B. 3 « alrith al-Malik b. Amr ») : un étranger présentait de meilleures garanties de neutralité dans la gestion des affaires locales ; par ailleurs le choix d‘un Kindite facilitait les relations avec imyar. Ce schéma n‘est pas sans rappeler comment Mu ammad se fit confier le pouvoir par Aws et Khazraj à Yathrib. La position éminente des Kindites dans l‘Arabie préislamique a des prolongements après l‘Islam : al-Ash ath joue un rôle éminent à la cour de Médine et son petit-fils, Abd al-Ra m n b. Mu ammad b. al-Ash ath, dit « Ibn alAsh ath », prend la tête d‘une révolte contre al- ajj j qui ébranle dangeureusement le pouvoir de l‘umayyade Abd al-Malik en 699-702. Les princes kindites sont alors les porte-drapeau naturels des Arabes du Sud dans les luttes politiques aux premiers temps de l‘Islam. Ils ont définitivement supplanté les Sabéens, les imyarites ou les Hamd nites. On aurait pu s‘attendre, dès lors, à ce que Kinda / Thawr soit choisi comme l‘ancêtre éponyme des Arabes du Sud dans la généalogie arabe. Ce n‘est pas le cas sans qu‘on sache pouquoi.. On lui a préféré la petite tribu de Qa n, supplantée par 102 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Kinda au début du IIIe siècle et sans doute disparue. L‘origine d‘une telle tradition ne peut être que kindite.131 Conclusion Grâce aux inscriptions sabéennes et imyarites, l‘histoire ancienne de Kinda et de ses rois commence à se préciser. On racontait que Kinda, obligée de quitter le Yémen, avait migré avec ses rois jusqu‘à Ghamr dh Kinda, puis en Arabie centrale. Chassée de celle-ci, elle se serait finalement réfugiée au a ramawt. Il est clair aujourd‘hui que ces récits, qui cherchent expliquer pourquoi certains princes kindites, manifestement yéménites, règnent en Arabie centrale et orientale, ne reflètent que très imparfaitement le passé. En fait, Kinda a toujours été une tribu puissante de la périphérie du Yémen, qui a réussi à fédérer Qa n, Madh ij et probablement Mur d. Qui que soient les princes sous l‘autorité desquels elle combat (Yaz anides ou souverains imyarites), c‘est toujours elle qui fournit les auxiliaires arabes nécessaires à la conquête de l‘Arabie déserte. Et ce sont les rois de cette tribu (de la dynastie ujride) qui ont administré les régions conquises. La chronologie de la dynastie ujride se fondait précédemment sur deux mentions d‘al- rith al-Malik dans les sources externes (Malalas et Nonnosos), plus sur une troisième qui renvoie en fait à un autre personnage (Théophane le Confesseur). On savait donc que ce prince arabe avait conclu une paix avec Anastase (491-518) et qu‘il était mort peu avant avril 528. Il faut ajouter désormais les trois expéditions commémorées à Ma sal alJum , que les rois imyarites conduisent en Arabie déserte : — vers 440, Ab karib As ad (en corégence avec son fils aśś n Yuha min : Ma sal 1 = Ry 509) ; — en 474-475, Shuri bi l Yakkuf (Ma sal 3) ; — en juin 521, Ma d karib Ya fur (Ma sal 2 = Ry 510). En articulant ces données avec celles de traditions dont la valeur est souvent incertaine, les dates de règne des trois principaux souverains ujrides pourraient être : — ujr kil al-mur r (425-450 ?) — Amr al-Maq r (450-470 ?) — al- rith al-Malik (c. 470-528). . On sait que, pour la généalogie de Kinda, le principal informateur d‘Ibn al-Kalb et de son père est Ab l-Kann s Iy s b. Aws b. H ni (Ibn al-Kalb , Nasab Ma add, p. 142, avec la lecture Ab l-Kayy s ; Caskel 1966-I, tableau 236, avec la lecture Ab l-Kub s ; Lecker 1995, p. 640, n. 24, qui donne la préférence à Ab l-Kann s, en se fondant sur le Fihrist d‘Ibn al-Nad m). Cet Ab l-Kann s appartient au lignage des ban Jabala, comme alAsh ath (voir ci-dessous C.4 « Les ban Jabala »), mais non au même rameau. 131 Les rois de Kinda 103 Contrairement à une hypothèse que j‘avais formulée en 1996, il n‘y a pas de lien évident entre les expéditions imyarites et l‘accession au trône des princes kindites. Mais il apparaît vraisemblable que chacun de ces princes a reçu la visite et éventuellement un soutien militaire occasionnel des rois de imyar. Il subsiste cependant bien des points importants qui ne sont pas élucidés. Je me contente d‘en lister quelques-uns : — Quand al- rith al-Malik devient-il roi d‘al- ra et pour combien de temps ? — Quelle est l‘attitude d‘al- rith al-Malik quand le roi imyarite Y suf As ar Yath ar se révolte contre son suzerain aks mite en 522 ? Adhère-t-il à la politique de Y suf ou bien demeure-t-il fidèle à son alliance avec Byzance (et avec son allié aks mite) ? — Comment concilier les deux versions de la succession d‘al- rith alMalik, celle des sources byzantines qui mentionnent le seul Kaisos (Qays) et celle de la Tradition arabo-islamique qui se focalise sur les quatre fils d‘al- rith ( ujr, Ma d karib, Shura b l et Salama) ? — Qui sont nommément « tous les ban Amr » qui se révoltent contre Abraha ? — Enfin, où les phylarques kindites Arethas (al- rith al-Malik) et Kaïsos (Qays) reçoivent-ils les ambassadeurs byzantins qu‘on leur envoie ? Ne serait-ce pas dans l‘oasis de D mat al-Jandal qui est proche de Byzance, ce qui expliquerait le fait qu‘Arethas ait une querelle avec le duc de Palestine (Malalas, XVIII.16) et une présence kindite à D ma jusqu‘à l‘aube de l‘Islam ? CHRISTIAN JULIEN ROBIN 104 Tableau 6 LES ROIS DE IMYAR DES IVe, Ve ET VIe SIECLES Premières expéditions dans l'Arabie déserte La dynastie de Dhamar alī Yuhabirr [c. 321-c. 324] 1. Dhamar alī Yuhabirr TL mr ly Yhbr mlk S¹b w- -Rydn w- rmwt w-Ymnt a. Règne solitaire : Ir 31 (Ma rib ; ibn - Mr bm) et Ir 32 (Ma rib ; ibn Gadanum), conquête de Sar r n (w d a ramawt) b. Corégence Dhamar alī Yuhabirr + fils - Tha r n Yuhan im TL : Schmidt- Ma rib 28 + Ja 668 (Ma rib ; « la commune Saba Kahl n »), même conquête de Sar r n ; Garb SF V (Ẓaf r) (... Y]hb[r... | ... ] rn Y[...) ; Graf 5 (...]|-hw rn Yhn m[ṬṬṬ) 2. Tha r n Yuhan im RSR / TL (fils [c. 324-c. 375] de Dhamar al Yuhabirr) rn Yhn m mlk S¹b w- -Rydn w- rmwt w- Ymnt bn mr ly Yhbr a. Règne solitaire [c. 324-c. 365] RSR 324 / 325 434 im. DJE 25 (Ma na at M riya, [ban Yuhafri ?]) ; DhM 201 ([auteurs ?]) <Ambassade romaine de Théophile l‘Indien <c. 340-345> auprès du roi de imyar> <351 / 352 461 im.> <MQ-Ma rib 1 (sans mention de roi)> Sans titulature Juillet 360 -m r n 470 im. Abad n 1 / 5 et 16 ( lht Yaz an) Mention également du « roi Tha r n Ayfa » ( Abad n 1 / 24) et du « roi Dhamar alī Ayfa » ( Abad n 1 / 26), sans doute des parents de Tha r n Yuhan im Les rois de Kinda <361-370 47[1]-47[9] im.> 105 <ẒM 700 (Ẓaf r ; fragment sans mention de roi)> b. Corégence hypothétique Tha r n + fils Malkīriy m TL : Veerman 2 = BynM 1 (alBay du Jawf, ban dhu-W m commune W m qayls de la n ) ( |r w-bny-hw Mlkrym) c. Corégence Tha r n Yuhan im + fils [c. 365-c. 370] Malkīkarib (Yuha min) TL blm w-Qtrn twn) ; Ja 669 (Ma rib ; ban Ja 670 (Ma rib ; ban Sukhaymum ; épidémie à Ẓaf r) ; Ja 671 + 788 (Ma rib ; ban Sukhaymum ; rupture et réparation de la Digue de Marib) RSR Khald n-Ball s 1 inédit (ban Mqr) d. Corégence Tha r n Yuhan im + fils [c. 370-c. 375] Malkīkarib Yuha min et Dhamar alī Yuhabirr TL DhM 204 (Hakir ; ibn dhu- agarum) ; MQMinkath 1 ([ ]( )rn Yhn m [w-bny-hw Mlkk|[r](b) Yh mn w-[ mr ly Yhbr] | [ mlk ]S¹b (w- -)[Rydn... etc.) Août [37]3 n -ẖrf [48]3 im. YM 1950 (Bayt Ghufr ; [ban Bata , qa]yls de la commune Sam , fraction dhuuml n ; monothéiste) ( rn Yhn m w-bnyh[w Mlkkrb Yh mn ṬṬṬ]) <372-373 482 im.> <Khald n al-Har j 1 (sans mention de roi)> CHRISTIAN JULIEN ROBIN 106 3. Malkīkarib Yuha min TL (fils de [c. 375-c. 400] Tha r n Yuhan im) Mlkkrb Yh mn a. Corégence [c. 375-c. 376] hypothétique Malkīkarib Yuha min + fils [Abīkarib As ad] TL : Ja 856 = Fa 60 (Ma rib, construction d‘un mkrb) b. Corégence Malkīkarib Yuha min + [c. 376-c. 400] Abīkarib As ad et Dhara amar Ayman TL Janvier 384 -d w 493 im. n Garb Bayt al-Ashwal 2 et RES 3383 (Ẓaf r ; construction Kl[n] ; -qy n 487 im. Juin 377 des palais premières m Shaw a n inscriptions et royales monothéistes) c. Invocation à Abīkarib As ad et Dhara amar Ayman TL : Shu l n-Shib m K. (inédit) (Kab r [Aqy num] ?) d. Invocations à Dhara amar Ayman TL : Khald n- Albaj 1 inédit (ban dhu-M r m, polythéiste) ; Garb Bayt al-Ashwal 1 (Ẓaf r ; Yah da ([ban Yakkuf) ; MAFY-Bayt Ghufr 1 Bata ]) ; al-Sayla al-Bay 1 ( lht S²n ) m imyar annexe une grande partie de l'Arabie déserte 4. Abīkarib As ad TL / TTL1 (fils de [c. 400-c. 445] Malk karib Yuha min) bkrb s¹ d a. Règne solitaire ? Ja 516 ( ahr), [Ab karib A]s ad (TTL ?) <402-403 512 im.> <MAFY-Ban Zubayr (sans mention de roi), inscription polythéiste datée la plus tardive> b. Corégence Abīkarib As ad + (frère) Dhara amar Ayman + (fils) Yu min, Ma dīkarib Yun im et aśś n ugr Ayfa TL : Garb Minkath 1 ; YM 327 = Ja 520 ( ahr) ; Garb Framm. 7 (Ẓaf r) Les rois de Kinda 107 c. Corégence Abīkarib As ad + (fils) aśś n Yu min et Ma dīkarib Yun im [ou : + (fils) et aśś n Yu min, Ma dīkarib ugr] TTL1bis BynM 17 : ( )bk(r)[b ]s¹ (d)[ w-bny-hw ]|s³n Yh mn w-M[ dkrb Yn m ]|mlk S¹b w-( -)[Rydn w- rmwt w-]|Ymnt w- [wd w- Thmt ...] d. Corégence Abīkarib As ad + Yu]ha min, Ma dīkarib Marthad il n Yaz an aśś [n Yuhan im, et Shuri bi īl Ya fur TL Février 432 - ltn [5]42 im. ẒM 5 + 8 + 10 (Ẓaf r ; invocation aux rois sans les nommer) Août 433 n -ẖrf 543 im. Ry 534 + MAFY-Rayda 1 (ibn Hamd n et Su r n) e. Corégence Abīkarib As ad + Yuha min TTL1 (fils de aśś n aśś n Malk karib Yuha min TL) : Ry 509 (Ma sal al-Jum ) f. Mentions du roi Ma dīkarib (sans titulature) ? 439 / 440 549 im. 439 / 440 549 im. Ph 124a+g = P 79+80 (Najr n) : b-mlk M dkrb Ph 130a+147+130c = P 50+49+51 (Najr n) : b-mlk M dkrb <Graffite au nom de ugr fils de Amrum roi de Kinda ( gr bn mrm mlk Kdt) : ujr- Gajda (Naf d Musamm , à quelque 25 km au nord-ouest de Kawkab ; sans mention de roi ; date incertaine)> [? 445-450 ?] 5. [ aśś n Yuha min TTL2] (fils d‘Ab karib As ad) ? [ s³n Yh mn] Corégence hypothétique [ aśś n Yuha min] + frère Shuri bi īl Ya fur TTL2 : Garb Framm. 3 (Ẓaf r) : [ s³n Yh mn w-]( )ẖ-hw S²r b l Y |[fr ṬṬṬ ; CHRISTIAN JULIEN ROBIN 108 RES 4105 (Ẓaf r) : [ śn Yh mn w- ẖ-h]w S²r b l Y f[r ṬṬṬ - ln 558 im.> <Septembre 448 <Barrett-Beeston (Bayn n ; stèle funéraire sans mention de roi)> Octobre 450 n z- rb 560 im. RES 5085 ( abb n ; lht Yaz an ; invocation aux rois, sans les nommer) 6. Shuri bi īl Ya fur TTL2 (fils [c. 450-c. 468] d‘Ab karib As ad) -d w 565 im. Janvier 456 -mbkrn 566 im. Mai 456 CIH 540 (Marib ; réfection de la Digue) Dostal 1 (w d l-Sirr, al-Qam a ; [... qayls de la commune irw ], Khawl n H̲[ lm ...] ; roi sans patronyme) Décembre 462 - l 572 im. n ẒM 1 = Garb Shuri bi l Ya fur (Ẓaf r ; construction du palais Hrgb) <Août 463 -ẖrf 573 im.> <CIH 6 ( an , dhu-Qwlm ; sans mention de roi)> <Janvier 465 -d w 574 im.> n <Ry 520 ( ula ? ; dhu-Kabsiyum ... qayls de la commune Tan imum etc. ; sans mention de roi)> 575 im. Khald n-al-Bas t n 1 (inédit) (roi 465-466 sans patronyme) CIH 45 + 44 ( La dynastie de Shuri bi īl Yakkuf [c. 468-c. 480] f ; [S²r b l Y f]r) 1. Shuri b īl Yakkuf TTL2 S²r b l Ykf a. Règne solitaire - btn 580 im. Avril 470 ẒM 2000 (Ẓaf r ; ban S¹b w- -Rydn w- Février [47]5 — n - lt [58]5 im. ryn) (S²r b l mlk rmwt) CIH 644 (]b l Ykf mlk S¹b w- -[) Gl 1194 (Na ) (]r b l Yk[) ; RES 4298 (ṬṬṬ]kf mlk S¹b etc.) Martyre guèze d'Azkīr : Sar bh l (variantes : Sar bhēl / Sar b ēl) D nkəf b. Corégence de Shuri bi[ īl Yakkuf + (fils) Abīshammar] Nawfum, La ay at Yanūf et Ma dīkarib Yun im TTL2 Les rois de Kinda Août 472 -ẖrfn 582 im. 109 RES 4919 + CIH 537 =L ( mlkn 121 S²r b|[ l Ykf w-bny-hw bs²mr] Nwfm wL y t Ynwf w-M dkrb Yn m mlk S¹b etc.) ; RES 4969 = Ja 876 ([ṬṬṬ mr -hmw | S²r b ]l Ykf [w- bs²mr Nwf | w-L y ]t Ynf w-M dkrb Yn[ m mlk S¹b w- -Rydn | ww- rb-h[mw Ymnt wd m rmw]t w- w-Thmt] ; le monogramme de droite donne à penser que l‘auteur principal se nomme Ma d karib). c. Corégence de Shuri bi īl Yakkuf + fils Abīshammar Nawf et La ay at Yanūf TTL2 474-475 584 im. Ma sal 3 (inédit) (S²r b l Ykf w-bny-hw bs²mr Nwf w-L y t Ynf | mlk S¹b w- -Rydn w- rmwt w-Ymnt w- rb-hmw wd|m w- Thmt) 2. Marthad il n Yun im TTL2 (fils de [c. 480-c. 485] [La ay a]t Yan f TT2 fils de [Shuri] bi l Yakkuf TT2) Mr d ln Yn m ḍ CIH 620 (Ẓaf r) (ṬṬṬ]n m m[lk ṬṬṬ | ṬṬṬ]t Ynf ml[k ṬṬṬ | ṬṬṬ S²r] b l Ykf m[ṬṬṬ) ; YM 1200 (Mr d ln Yn m m[ṬṬṬ ṬṬṬ ]||mw wdm w-Thm[t ... ... ]|rmwt w-Ymnt w-[... ... Yk]|f mlk S¹b[ ṬṬṬ) Interrègne ? [? 485-500 ?] <Juin 486 -qyẓn 596 im.> <MAFRAY-Ab Thawr 4 ( lht Yaz an ; sans mention de roi)> <Février 486 - ltn 596 im.> <MAFRAY-Qu ub n 37 et 47 (dhu-Rs¹mm ; sans mention de roi)> <Décembre 487 - ln 597 im.> <Août 488 n -ẖrf 598 im.> <Robin-Najr 1 (sans mention de roi)> <MAFYS- ura 3 = RES 4069 ( lht Yaz an ; sans mention de roi)> CHRISTIAN JULIEN ROBIN 110 <Juin 490 -qyẓn 600 im.> 2 (ibn Y m l ; sans <MAFRAY-Ban mention de roi)> imyar tributaire d'Aksūm et allié de Byzance Le règne de Marthad il n Yanūf [c. 500-c. 515] Marthad il n Yanūf TTL2 Mr d ln Yn(w)f <Première expédition du règne de K lēb en Arabie, commandée par ayy n (RIÉth 191) ?> Juillet 504 -m r n 614 im. Mars 509 -m n 619 im. Fa 74 (Mr d ln Ynf TTL2) (Marib ; membres de la commune Saba Kahl n) Garb Ant Yem 9 d (mlkn Mr d ln Ynwf) (Ẓaf r ; palais « ambassadeurs » construit au nom par des peut-être aksumite) ḍ CIH 596 + 597 + RES 4157 + 4158 (...]mlkn Mr d ln Ynf | [mlk S¹b w- -Rydn w-] rmwt w-Ymnt w- |[ rb-hmw wd w-T]hmt) m DhM 287 (al- ad ) (l. 7, [Mr d ln ]Ynf mlk — S¹b w- -Rydn w- rmwt w-Ymnt [w- rb- hmw wdmw-Thmt] ; l. 8, mlkn Mr d ln) <Juillet 507 ou 509 -m r n [6]1[7 / 9]> <Garb NIS 4 (Ẓaf r ; dhu-G nn ; sans mention de roi)> Interrègne ? [? 515-519 ?] <Avril 515 - btn 625 im.> <Yanbuq 47 ( lht Yaz an ; sans mention de <Mai 519 -mbkrn 629 im.> <Robin-Viallard 1 (Ẓaf r ; dhu- rf ban roi)> S²ddyn ; sans mention de roi)> Les rois de Kinda Le règne de Ma dīkarib Ya fur [c. 519-522] 111 Ma dīkarib Ya fur TTL2 M dkrb Y fr <Deuxième expédition du règne de K lēb en <c. printemps 519> Arabie, commandée par le roi lui-même, mentionnée par Kosmas Indikopleustês) -qyẓn 631 im. Juin 521 Août 521 ẖrfn [63]1 im. Ry 510 (Ma sal al-Jum ) Ja 2484 (M dkrb Y fr mlk | S¹b w- -Rydn wrmt | w-Ymnt w- rb-hmw wdm w- Thm[t]) ( am a) La révolte de Yūsuf Yūsuf As ar Yath ar, roi de toutes les communes [522-525 / 530] Y(w)s¹f s¹ r Y r mlk kl s² bn Juin 523 -qyẓn 633 im. Juillet 523 -m r 633 im. Juillet 523 -m r n 633 im. n Ry 508 / 2 (mlkn Ys¹f s¹ r) (Kawkab) Ry 507 / 1 (ṬṬṬ ṬṬṬ] s² bn) ( im ) Ja 1028 / 1 (mlkn Yws¹f s¹ r Y r mlk kl s² bn) ( im ) <Novembre 523> <Massacre des chrétiens liés à Byzance, principalement à Nagr n> <Entre 525 et 530> <Troisième expédition du règne de K lēb en Arabie, commandée par le roi lui-même> [Bref interrègne avant 531 ?] <Février 530 - ltn 640 im.> <CIH 621 ( u n al-Ghur b ; mention de la mort violente du « roi de imyar »)> CHRISTIAN JULIEN ROBIN 112 L'Arabie aksūmite Le règne de Sumūyafa Ashwa [c. 531-535] Sumūyafa Ashwa T[TL2] S¹myf s²w Ist 7608 bis + Wellcome A 103664 ( f) (ṬṬṬn]fs¹ qds¹ S¹myf s²w mlk S¹[b ṬṬṬ) <Printemps 531> <Ambassade de Ioulianos> La dynastie d'Abraha [c. 535-565] 1. Abraha TTL2 brh <Quatrième et cinquième expéditions du règne de K lēb en Arabie> Février 548 - ltn ẖ(r)[n] 658 DAI GDN 2002 / 20 (mlk|n b(r)h Zb|ymn TTL2) Mars 548 -m n 658 im. CIH 541 ( brh zl|y mlkn g zyn Rm s³ Zbymn TTL2) ll. 82-83 : Aks m dhu-Ma hir fils du roi ( ks¹m -M h|r bn mlkn) ll. 87-92 : conférence diplomatique à Marib à l‘automne 547 avec des représentants de Rome, de l'Çthiopie, de la Perse et de trois princes arabes Septembre 552 - l 662 im. n Muraygh n 1 = Ry 506 (mlkn brh Zybmn TTL2) Muraygh n 2 = Sayyid PSAS 1988, p. 136 (dhu-Dhar ni ) (mlk | brh) (même date que la précédente) Muraygh n 3 (mlkn brh Zybmn TTL2) (date légèrement postérieure à Muraygh n 1) Novembre 558 d-mhltn 668 im. Ja 544-547 (Ma rib ; dh Ms² rn) (mlkn brh mlk S¹b w-| -Rdn w- rmt w-Ymnt w- rb- hmw dm | w-Thmt Rm s³) <559-560 669 im.> [c. 565-568] <CIH 325 (sans mention de roi)> 2. [Aksūm] (fils d'Abraha) Les rois de Kinda 113 Connu par les traditions arabo-islamiques ; aucune attestation épigraphique du règne ; mentionné comme « fils du roi » en 658 im. (CIH 541 / 82-83 : ks¹m -M h|r bn mlkn). 3. [Masrūq] (fils d'Abraha) [c. 568-570] Connu seulement par les traditions araboislamiques. Sigles : voir MÜLLER 2010 ; à défaut K.A. KITCHEN, Bibliographical Catalogue of Texts (Documentation for Ancient Arabia, Part II) (The World of Ancient Arabia Series), Liverpool (Liverpool University Press), 2000. Sigles soulignés : textes officiels, qui ont le(s) souverain(s) imyarite(s) pour auteur(s). TL : titulature longue, « roi de Saba , dhu-Rayd n, Rydn w- a ramawt et Yamnat » (mlk S1b w- - rmwt w-Ymnt) TTL1 : titulature très longue du type mlk S1b w- -Rydn wThmt, « roi de Saba , dhu-Rayd n, rmwt w-Ymnt w- rb wd w- a ramawt et Yamnat, ainsi que des Arabes de awd et Tih mat » TTL1 bis : titulature attestée uniquement de manière fragmentaire, peut-être un abrègement libre de TTL1 : ]|mlk S¹b w-( -)[Rydn w- rmwt w-]|Ymnt w- [wd w-Thmt ... ...] TTL2 : titulature très longue du type mlk S b w- -Rydn w1 w-Thmt, « roi de Saba , dhu-Rayd n, rmwt w-Ymnt w- rb-hmw wdm a ramawt et Yamnat, ainsi que de leurs Arabes, de awd et Tih mat » TTL (?) : titulature très longue en partie restituée, de sorte qu‘on ignore si elle est du type 1 ou 2 Début de l'ère imyarite (ou de Mab b. Ab a ) : probablement avril (?) 110 è. chr. 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Amr roi de Kinda », gr bn mr mlk Kdt (partie gauche) (Naf d Musamm , à quelque 25 km au nordm ouest de Kawkab et à une centaine de kilomètres au nord-est de Najr n), p. 128. Fig. 2 : Le graffite m ujr-Gajda mentionnant « ujr b. Amr roi de Kinda », mr mlk Kdt (partie droite), p. 129. gr bn Les rois de Kinda 127 128 CHRISTIAN JULIEN ROBIN Fig. 1 : Le graffite ujr-Gajda mentionnant « ujr b. Amr roi de Kinda », gr bn mrm mlk Kdt (partie gauche) (Naf d Musamm , à quelque 25 km au nord-ouest de Kawkab et à une centaine de kilomètres au nord-est de Najr n). Les rois de Kinda Fig. 2 : Le graffite ujr-Gajda mentionnant « ujr b. Amr roi de Kinda », gr bn mrm mlk Kdt (partie droite). 129